Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
Τίτλος: | Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄ |
Τόπος έκδοσης: | Κέρκυρα |
Εκδότης: | Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών |
Συντελεστές: | Κώστας Δαφνής |
Έτος έκδοσης: | 1984 |
Σελίδες: | 364 |
Θέμα: | Ο Καποδίστριας στην Ελβετία |
Τοπική κάλυψη: | Ελβετία |
Χρονική κάλυψη: | 1813-1814 |
Περίληψη: | O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του. |
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Capodistrias par le président du gouvernement von Beding et les conseillers Suter et Friderich, ainsi que d’un déjeuner officiel.1
Soleure
Au cours du mois d’août, Capodistrias allait aussi être amené à s’occuper de la constitution cantonale de Soleure. Un premier projet de constitution, adopté par le Grand Conseil de Soleure le 8 juillet, avait été trouvé beaucoup trop aristocratique tant par les esprits libéraux comme Paul Usteri, que par les ministres étrangers. Aussi le conseiller soleurois Lüthy, lié d’amitié avec Usteri, se renditil à Zurich pour y rencontrer, dès le 6 août, Capodistrias et Schraut, avec lesquels il ne tint pas moins de sept séances pour examiner le projet de la constitution. Les amendements proposés par les ministres furent plus de forme que de fond. Ce projet modifié fut adopté par le Grand Conseil soleurois le 17 août; dans ses particularités, on remarquera que le nombre des membres du Grand Conseil était fixé à 101 dont 33 pour la campagne; le mode d’élection au Grand Conseil était aussi compliqué que dans les constitutions argovienne,vaudoise ou saintgalloise; le nombre des membres du Petit Conseil était ramené de 38 à 21, la proportion des députés de la campagne y étant améliorée. La séparation des pouvoirs restait aussi peu rigoureuse qu’ailleurs. Dans la dernière partie du projet, des améliorations sensibles étaient apportées à la liberté de profession, de commerce et d’établissement, ceci pour satisfaire la population et complaire probablement aux grandes puissances.2 En conclusion, même si les progrès n’étaient pas spectaculaires, cette constitution soleuroise était plus en harmonie avec celles des autres cantons que les constitutions bernoise ou fribourgeoise.
Dès le 22 juillet et pendant tout le mois d’août furent organisées les élections complémentaires pour le Grand Conseil, celles du Petit Conseil et des juges cantonaux; le 1er septembre eut lieu l’installation solennelle des nouvelles autorités qui exhortèrent le peuple à la fidélité, l’obéissance, la concorde et la tranquillité. C’est à ces événements que Capodistrias se réfère dans la lettre qu’il adresse à Paul Usteri le 28 août de Baden (Document n° 73): «Tout ce que l’on m’ecrit de Soleure annonce de la modération, et de la Sagesse [...]. Et si les élêctions de Soleure seront faites avec conscience, je me propose d’aller voir ces nouveaux Magistrats avant de revenir à Zurich.» Il ne semble pas avoir
1. ibidem, p. 269, séance du 29 août 1814.
2. Hans Sigrist, Solothurnische Geschichte, Soleure 1981, t. III, p. 571 sv.
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réalisé ce voyage. Probablement fut-il déçu des résultats: 68 aristocrates et 14 bourgeois au Grand Conseil, 15 aristocrates, 2 bourgeois de la ville et 4 représentants de la campagne au Petit Conseil; il ne tenait certes pas à être honoré par ce parti aristocratique fortement lié à Berne.
Mentionnons enfin que c’est à la suite de l’intervention personnelle de Capodistrias que le gouvernement de Soleure se décida à accorder le 25 août une amnistie partielle aux insurgés du mois de juin.
Troubles à Uznach et Sargans
Pour en revenir à l’incident avec les Bernois, c’est peut-être parce que Capodistrias se sent plus que jamais en butte à l’animosité des patriciens qu’il cherche à rallier ceux d’entre eux dont il avait la sympathie. Ce qui expliquerait la lettre à Aloïs de Reding du 6 août (Document n° 68 déjà cité à propos de Genève). Mais il faut aussi mettre cette lettre en rapport avec le fait que le 9 juillet, le gouvernement de Schwytz avait répondu à la note des ministres du 30 juin en réaffirmant ses droits sur le district d’Uznach et que le 21 juillet, il avait formellement refusé d’envoyer ses députés à la Diète. Capodistrias qui, nous l’avions vu, n’appréciait guère le député schwytzois Auf der Maur, gardait peut-être l’espoir que de Reding accepte de représenter à nouveau sa patrie et exerce une influence bénéfique sur les cantons aristocratiques, espoir qui malheureusement ne fut pas réalisé.
Le 3 août, la Diète est saisie d’une demande du gouvernement de Saint-Gall,1 qui, dépassé par les troubles très graves qui ont éclaté dans les districts d’Uznach et de Sargans, demande l’assistance fédérale pour rétablir le calme et se débarrasser des meneurs. Pour appuyer cette démarche, probablement à la demande de son ami Müller-Friedberg, Capodistrias transmet à Reinhard une note signée par les trois ministres sur ce sujet délicat (Document n° 70). Ceux-ci rappellent avec opportunité les dispositions prises par la Diète dans sa circulaire du 31 mai, établissant «l’immutabilité du statu quo des possessions de chaque Canton et des rapports politiques des habitans, jusqu’à l’arrangement général et définitif des affaires en mouvement». Magnifique occasion pour le diplomate russe de réaffirmer ses principes et son opposition aux prétentions territoriales d’anciens cantons— en l’occurrence Schwytz — sur des régions attribuées aux nouveaux cantons —
1. Abschied 1814-1815, t. I, p. 211.
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ici Saint-Gall, pour lui qui a encore sur le cœur sa note rentrée sur les revendications bernoises en Argovie. C’est une occasion aussi d’éprouver «la vigilance et la fermeté» de la Diète pour le maintien de ces principes. «Ils espèrent en conséquence de la sagesse et de la dignité de la Diète, qu’Elle agira dans cette occasion, et dans toutes celles qui pourroient se presenter, avec une vigueur proportionnée aux circonstances, mais toujours supérieure à toutes les intrigues et à chaque turbulence.» En fait, les troubles s’étant momentanément calmés et SaintGall ayant enfin adopté sa constitution,1 l’intervention fédérale, dont le principe avait été admis après qu’on eut pris connaissance du rapport de la commission et de la note des ministres, avait été ajournée.
Capodistrias avait accompagné la note de ses collègues d’un petit billet entièrement autographe (Document n° 69), réaffirmant tout d’abord les principes exprimés dans sa note du 20 mai, mais mettant surtout en évidence, en l’encadrant d’un trait de plume, le passage suivant: «Si Votre Excellence aborde aujourd’hui la question concernant le pacte fédérale je la prie dans mon particulier de Se rapeler qu’il importe eminement au Sort de la Suisse, qu’Elle en ait un, et le plutôt possible, et que toute tergiversation ultérieure ne peut être que fatale aux véritables intérêts de cet Etat.» Il rappelait ainsi l’urgence de la question, alors que depuis le 21 juillet la commission de conciliation n’avait toujours pas abouti.
Rapport au tsar et à Nesselrode
La tension qui règne dans le pays en ce début d’août incite Capodistrias à demander de nouvelles instructions à son ministère. Le 11 août, il adresse deux longs rapports, l’un à l’empereur, l’autre à Nesselrode. Voici le premier:2
Zurich, 30 juillet/il août 1814.
Sire. Le capitaine Stürler s’est chargé de la présente expédition. J’ai cru devoir lui fournir les moyens d’accélérer son voyage, et j’ose espérer que v.m.i. daignera l’approuver.
Les affaires de la Suisse deviennent tous les jours plus compliquées. L’intervention de l’Angleterre, les arrière-pensées de la France, l’éloignement de la Prusse y contribuent essentiellement.
En mettant sous les yeux de v.m.i. dans l’aperçu ci-joint les questions qui entravent la réorganisation fédérale de ce pays, je
1. v. supra, p. 195.
2. Politique étrangère de la Russie, t. VIII, p. 81-85.
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prends la liberté d’indiquer deux manières de les envisager et de les décider.
Je prie très instamment v.m.i. de se faire rendre compte de ce travail et de me faire parvenir ses ordres.
Je suis...
Le comte Capodistrias
Etat des affaires
La réorganisation de la Suisse est entravée par les prétentions que Berne fait sur le canton d’Argovie et que d’autres anciens cantons font sur plusieurs de leurs co-Etats.
Ces prétentions sont contraires aux déclarations que les ministres des puissances alliées ont données à la Suisse. Elle sont en opposition avec l’opinion que v.m.i. a manifestée aux députés suisses à Paris.
Toutes les peines que je me suis données pour faire revenir le patriciat de Berne de ses erreurs ont été inutiles.
Le silence que le cabinet de Vienne a gardé sur cette question, avait laissé longtemps dans l’indécision mon collègue M. de Schraut.
Le ministre de Prusse M. de Chambrier se tient constamment à Neuchâtel et paraît ne vouloir prendre aucune part à nos travaux.
C’en est assez pour que les Bernois comptent sur la faveur de ces deux cabinets.
La précipitation avec laquelle M. Canning, ministre d’Angleterre, est arrivé en Suisse, et les opinions qu’il a laissé entrevoir expliquent assez l’opiniâtreté des Bernois.
Enfin les menées du ministre de France M. de Talleyrand et l’envie que son cabinet paraît avoir de rendre nécessaire son intervention dans les affaires de ce pays, font connaître davantage les motifs de l’exagération des esprits, soit dans le parti bernois, soit dans celui des nouveaux cantons.
Ces difficultés ne m’ont point découragé. Le nom seul de v.m.i. et le dévouement qu’il inspire aux peuples offrent assez de moyens pour soutenir dans sa vigueur le système conforme aux principes libéraux de v.m.i. et aux ordres qu’elle a daigné me donner.
Tout en employant efficacement ces moyens, j’ai évité avec beaucoup de soin les éclats dans le pays et j’ai tâché de ramener mes collègues au sens littéral de nos instructions. Le ministre d’Autriche s’est en effet décidé d’agir de concert avec moi, et je n’ai qu’a m’en louer. Celui d’Angleterre tout en désirant s’isoler, ne l’ose pas, vu l’union parfaite qui existe entre moi et M. de Schraut.
Le baron de Humboldt en passant par Zürich a bien voulu avoir un entretien avec moi. J’ai eu lieu de m’apercevoir qu’il voulait me persuader que s.m. le roi son maître à son passage par Berne n’a rien promis aux magistrats qui osèrent l’importuner de leurs querelles territoriales.
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Quoiqu’il en soit de cette ouverture, l’éloignement de M. de de Chambrier présente un obstacle de plus au rapprochement des partis.
Cette divergence réelle ou apparente dans les opinions ou dans les vues des cabinets médiateurs relève les discordes qui menacent la Suisse des horreurs de l’anarchie et de la guerre civile.
Pour mettre un terme à cet état de choses, deux voies se présentent. L’une est directe et facile. L’autre est indirecte et difficile. Sur l’une nous ferons aisément marcher dans notre sens les ministres des alliés. Sur l’autre nous marcherons seuls et serons contrariés à chaque pas. L’une et l’autre conduit au but, c’est-àdire, à l’établissement d’une bonne constitution fédérale. Mais en suivant la première nous donnerons à la Suisse une constitution que toutes les puissances de l’Europe seront engagées à soutenir, au lieu qu’en suivant la seconde nous serons seuls à donner cette constitution, qui par là même offrira à la France ou à l’Autriche les moyens de la renverser et d’établir leur influence.
N’osant prendre sur moi la décision d’une question aussi épineuse, je prends la liberté de la mettre sous les yeux de v.m.i.
Manière directe et facile de finir les affaires de la Suisse
Le patriciat de Berne sous les auspices du comte de Senft a déclaré l’asservissement du pays de Vaud et de l’Argovie. Les bourgeoisies des anciens cantons aristocratiques ont voulu suivre cet exemple à l’égard de leur propre pays.
V.m.i. est venue au secours des nouveaux cantons et du peuple des anciens. Conjointement avec l’Autriche et la Prusse, nous avons conservé la diète de Zürich. Nous avons fait plus; nous avons réorganisé d’après des principes libéraux les anciens cantons aristocratiques hormis Berne et Fribourg.
Dans cette opération délicate il fallait ramener le ministre d’Autriche de ses opinions et de ses engagements antérieurs. M. de Schraut s’est laissé fléchir. Pour profiter de ce concours à l’avantage des nouveaux cantons, j’ai dû mettre de mon côté de la facilité quant à la réorganisation des anciens. En négligeant quelques formes je me suis tenu à la substance. Les anciens privilèges de caste et de bourgeoisie sont abolis. Le peuple a ses représentants dans le corps législatif et conserve une part réelle dans le pouvoir administratif et judiciaire. Ces nouvelles institutions obtiennent le suffrage du pays. Le nom de v.m.i. est béni.
Maintenant pour achever la réorganisation fédérale, il faut décider définitivement les prétentions territoriales de Berne et des autres anciens cantons démocratiques. Elles retombent sur les nouveaux cantons. Nous avons déclaré leur existence et leur inté-
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grité, sauf les arrangements de limites que ces Etats pourraient faire entre eux à l’amiable.
Berne renonce pleinement au pays de Vaud et peut-être à la plus grande partie de l’Argovie. Elle accepte un arbitrage. Elle soumet ses titres à ce jugement définitif. Les autres cantons qui prétendent sur les nouveaux des indemnités, accèdent aussi à cet arbitrage. La diète vient de le proposer.
Les nouveaux cantons s’y refusent en se fondant sur la protection que v.m.i. leur accorde.
Le ministre d’Angleterre appuie fortement l’arbitrage. Celui d’Autriche le désire. Moi seul je ne puis y consentir, vu que par cette mesure on mettrait en contestation l’intégrité du territoire de l’Argovie.
On a employé tous les moyens possibles pour me déterminer à donner la main à cet arrangement. Je m’y suis refusé constamment sachant ne pouvoir le faire sans un ordre positif de v.m.i.
Que v.m.i. me permette de lui soumettre franchement mon opinion respectueuse à cet égard.
En accordant à Berne une indemnité réelle par la cession de l’évêché de Bâle, on pourrait se borner à lui donner quelques villages sur le territoire de l’Argovie, plutôt comme un objet d’amour-propre que comme un objet d’intérêt.
L’Argovie a 140 mille âmes. Est-ce que ce pays serait moins heureux s’il cédait à Berne 10 à 12 mille habitants? La cession qui ne pourrait nullement nuire à l’existence et à la prospérité du canton.
En satisfaisant Berne on pourrait alors exiger que cette république conformât sa constitution intérieure à celle des autres anciens cantons que nous venons de réorganiser, et de cette manière on rétablirait sur l’uniformité des principes constitutionnels les liens fédératifs et une paix véritable et solide entre les anciens et les nouveaux cantons. Ce qui détermine cette opinion n’est pas le désir de satisfaire le patriciat de Berne, mais l’importance d’ôter à la France et à l’Autriche les moyens de renverser la Suisse et peut-être un jour d’asservir les nouveaux cantons.
Ce qui m’impose le devoir de soumettre encore à v.m.i. cette question, c’est que le repos de la Suisse, le bonheur de ce peuple et la garantie intérieure de son indépendance ne peuvent se trouver que dans cet arrangement.
Il réunit les suffrages des hommes bien pensants de ce pays, les opinions des cabinets et ce qui plus est il déracine pour toujours les germes des partis.
Si v.m.i. approuve ces observations respectueuses, si elle daigne me donner ses ordres, je puis d’avance répondre à v.m. que par cet arrangement territorial, l’existence et le bonheur réel des nouveaux cantons et du peuple suisse ne souffriront aucunement. Au contraire, ils seront plus solidement affermis.
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Manière indirecte et difficile de finir les affaires de la Suisse
Dans le cas contraire il serait absurde d’espérer de réunir les opinions des Suisses et de faire ressortir d’un accord spontané la constitution fédérale de cet Etat.
L’expérience l’a prouvé et le prouvera encore davantage. Tant que le gouvernement de Berne est entre les mains des patriciens, tant que cette classe est soutenue par l’Autriche, par la France et par l’Angleterre, elle sera puissante et se placera avec succès à la tête des anciens cantons démocratiques et des bourgeoisies privilégiées, qui, quoique neutralisées aujourd’hui, ne sont point à considérer toutefois comme éteintes.
En partant de cette conviction et dans l’hypothèse de ne pouvoir rien accorder à Berne sur ses prétentions, deux alternatives se présentent: ou donner à la Suisse une médiation comme Bonaparte la lui a donnée, ou contester aux patriciens du canton de Berne le droit qu’ils ont ressaisi de représenter et de gouverner le pays. Dans la possibilité d’avoir recours à cet expédient unique pour faire adopter à la Suisse un système fédéral, je n’ai jamais voulu m’immiscer dans les affaires de la constitution de Berne.
Assurément en écartant l’intérêt des familles bernoises de cette discussion, il n’y en aurait plus aucune au sujet de l’Argovie et celles que les autres cantons élèvent, tomberaient par là même sans beaucoup de difficulté.
Mais cette opération n’est point aussi aisée qu’on peut le penser. Bonaparte pour faire réussir sa médiation qui dans le fond ôtait en entier au patriciat ses possessions et ses privilèges a été obligé de faire occuper la Suisse par une armée et de l’y faire séjourner jusqu’à ce que le pouvoir fut fixé entre les mains des magistrats créus par lui.
Bonaparte n’eut qu’à subjuguer l’orgueil et l’opiniâtreté des Bernois. Nous aurions à comprimer aussi l’influence indirecte de l’Autriche, de la France et de l’Angleterre.
Le cabinet de Vienne ne serait pas fâché de se ménager par là les moyens de réagir en temps et lieu. Celui de France ne doit point soutenir le parti populaire contre le patriciat. Le ministère britannique paraît abonder dans ces principes et les Bernois semblent l’avoir prévenu assez favorablement pour eux. Je supplie v.m.i. de me faire parvenir ses ordres. J’ai cru de mon devoir de les lui demander avant l’époque de son arrivée à Vienne, supposant qu’il vous plaira davantage, Sire, de ne point vous occuper de ces affaires désagréables de la Suisse dans un moment où des soins majeurs appelleront toute votre attention. Ces affaires seront finies si v.m. l’ordonne.
En attendant ses instructions que j’implore, j’aurai soin de
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maintenir autant que cela pourra dépendre de moi, les affaires dans une espèce d’équilibre. La balance penchera du côté que v.m.i. daignera indiquer.
Si v.m.i. juge convenable de remettre l’examen et la décision de toutes ces questions à Vienne, je la supplie de m’en faire prévenir, en sorte que je puisse préparer ici le développement qui pourrait favoriser le plus le système qu’elle estimera le plus propre au bien de cet Etat.
le comte Capodistrias
On remarquera que Capodistrias insiste sur l’aspect libéral de ses interventions dans les constitutions cantonales. Il nous donne également — nous en avons ainsi la preuve — la raison de sa non-intervention dans la constitution bernoise: c’était une mesure de prudence pour ne pas reconnaître, le cas échéant, ce gouvernement aristocratique.
Son rapport à Nesselrode1 est plus succinct et évite les périphrases. Dans des termes très voisins, il présente la situation politique du moment, en insistant sur la responsabilité de Berne, et définit l’attitude des différents ministres, et son effort pour les amener à une convergence de vue:
Après avoir démontré jusqu’à la dernière évidence à mes collègues que le système fondé sur les principes de nos instructions était le plus conforme aux vœux et aux intérêts de la Suisse, après avoir prouvé que c’est sur ce système seul qu’on pourrait fonder l’indépendance et le repos de cet Etat, je suis parvenu à décider le ministre d’Autriche à réunir ses efforts aux miens à l’effet de faire accepter aux cantons dissidents le Pacte fédéral. Pour y faire concourir M. Canning, nous nous sommes décidés à laisser espérer s’il le faut, à Berne ainsi qu’aux autres cantons qui demandent des indemnités, la possibilité d’un arrangement qui pourrait avoir lieu par la médiation des Puissances Alliées. Je n’ose pas promettre à Votre Excellence le succès de nos démarches, ni le concours efficace de celles du ministre d’Angleterre. Nous y travaillerons cependant. Si toutefois S. M. l’Empereur désire aplanir toutes les difficultés avant le congrès de Vienne, si Votre Excellence considère comme important aux intérêts majeurs qui y doivent être réglés d’en écarter ceux qui dépendent de la réorganisation fédérale de la Suisse, je la prie très instamment de me munir de ses instructions. Elle se rapporteraient aux questions suivantes, que je crois de mon devoir de préciser:
1° Nous avons déclaré le principe de l’existence et de l’intégrité des dix-neuf cantons. Pour concilier les esprits et fonder l’alliance des nouveaux cantons avec les anciens sur une base solide, sur la réciprocité de leurs intérêts, puis-je donner la main à un
1. W. Martin, op. cit., p. 396-397.
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arbitrage dont l’objet serait d’imposer aux nouveaux cantons de légers sacrifices d’argent et de territoire, sans cependant porter atteinte à leur véritable et heureuse existence nationale?
2° Peut-on accorder à Berne l’évêché de Bâle et les districts environnants comme objet d’indemnité? Mon collègue, M. de Schraut, paraît avoir des doute à cet égard. Si Sa Majesté daigne me donner ses ordres sur ces deux points, je prie Votre Excellence de faire en sorte que mes collègues les ministres des Puissances Alliées de Sa Majesté reçoivent des instructions analogues aux miennes.
Stratford Canning
Sur l’attitude pro-bernoise de Canning et les difficultés à le convaincre de se joindre à une politique commune des ministres, Schraut est encore plus explicite:1
Ce jeune ministre, obligé, à ce qu’il nous dit et répète, par ses instructions de favoriser le canton de Berne, autant qu’il se peut sans trop l’éloigner de nous, s’était avancé dans cette idée jusqu’à vouloir faire une espèce de médiateur et conciliateur entre nous et ce Canton; il alla jusqu’à nous parler d’un parti neutre qu’il avait — ou qu’il voulait former dans la Diète, et c’était au moyen de ce parti qu’il s’imaginait pouvoir réunir les deux extrêmes; — il nous recommanda de la meilleure foi du monde, sous des termes mal déguisés, l’impartialité. Nous lui fîmes comprendre que nous étions partiaux par vocation et devoir, pour remplir nos instructions, sur lesquelles nous ne nous permettions point de gloser ou d’empièter; que le grand point que nous ne pouvions pas perdre de vüe un seul instant, était, de rallier la Suisse divisée à l’union fédérative par le pacte proposé; que sans le pacte il n’y avait point de Suisse, mais bien un amas confus de Cantons, les uns plus insignifians que les autres, sans nulle tenue politique, prêts à s’attaquer du jour au lendemain, et à donner à l’Europe entière pacifiée le spectacle déplorable d’une guerre civile sans but.
Mais c’est précisément à Canning, le ministre le moins suspect aux yeux des Bernois, que ses collègues confient le soin de réaffirmer l’union de vues des ministres, de menacer de rompre leurs relations avec la Diète et de demander de nouvelles instructions à leurs ministères, si le pacte n’est pas rapidement adopté. Ces propos furent tenus dans une rencontre organisée le 11 août au soir chez Schraut entre les ministres
1. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 248, no 104. Rapport de Schraut à Metternich du 15 août 1814, publié par W. Martin, op. cit., p. 390.
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d’un côté et les députés Mülinen, Monod, Reinhard et Wieland de l’autre.1
Question de l’arbitrage
Les travaux de la Diète sont bloqués avant tout par la question de l’arbitrage. Le recès de la Diète porte à ce sujet en date du 1er août:2
Sur la garantie réciproque du territoire et l’établissement d’un Comité d’Arbitres pour arranger et régler les prétentions de quelques anciens Etats. La Pluralité décide: Que ces réclamations doivent être renvoyées à des Arbitres et que les réclamans doivent remettre leurs réclamations par écrit avant quinze jours, ainsi que les Cantons attaqués leurs répliques.
Monod rapporte dans ses Mémoires:3
L’acte qui exigeait le plus de réflexion et de sang-froid se discutait au milieu de ce chaos. On avait repris le Pacte fédéral et on se trouva arrêté dès le premier article. C’était en effet le plus essentiel dans les circonstances, puisqu’il embrassait la question du territoire. Au lieu de la décider en maintenant ce qui existait, on proposa de la soumettre à un arbitrage et, en attendant, de la laisser en suspens. Tous les anciens cantons votèrent d’abord dans ce sens; une partie des nouveaux, et Vaud en particulier, qui voyaient leur existence compromise par là en tout ou en partie, se prononcèrent avec une telle force contre cette proposition que les cantons neutres revinrent, et l’on conclut de laisser cet article indécis en passant aux autres, pendant la discussion desquels on travaillerait à s’entendre sur le premier.
Mais Monod avait dû, dès ce moment, trouver l’attitude de Capodistrias trop molle sur ce sujet qu’il estime capital, puisqu’il écrit au Petit Conseil vaudois le 2 août déjà:4
J’ai eu occasion sur toutes ces affaires de m’expliquer avec un des ministres de manière à bien convaincre que notre fermeté égalait notre indignation, et il est convenu que je n’avais pas tort. Tout ceci tient au reste, Citoyens Collègues, à des circonstances qu’il est impossible de vous expliquer par lettre et qui semblent prouver une grande perfidie de la part d’un magistrat sur lequel au reste nous ne faisions pas de fond.
1. ibidem, p. 398.
2. AEG, Conf. B. 1, p. 10-11. Séance du 1er août 1814.
3. Monod, op. cit., t. II, p. 267-268.
4. ibidem, p. 394.
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Dans une autre lettre du même jour, écrite à l’encre sympathique, voici la clé de l’énigme:1
Le ministre avec lequel je me suis [un mot effacé] est M. de Capo d’Istria, sans le blesser sans doute, mais en lui disant positivement que c’est en nous traînant, et par la confiance que nous avons eue, que nous sommes arrivés où nous sommes, tandis que les autres avaient avancé en se moquant de se qu’on leur disait. Le magistrat dont je me plains est Reinhard qui dimanche avait convenu de suivre une tout autre marche que celle qu’il a suivie, dans notre système et qui a fait le contraire.
Les doutes de Monod sur les convictions intimes de Capodistrias à propos de l’arbitrage sont parfaitement justifiés puisque le 11 août, nous l’avons vu, le ministre russe demande dans ses rapports à l’empereur et à Nesselrode, l’autorisation de recourir à l’arbitrage. Et c’est bien ce changement de politique qu’a dû percevoir Monod dans la séance de conciliation qui a lieu ce même jour chez Schraut, et contre lequel il a dû protester verbalement ou par écrit. Protestation à laquelle Capodistrias réplique par un billet entièrement manuscrit (Document n° 71, voir fac-similé): «Tout au contraire. La conclusion à la quelle nous voulions venir c’etait que l’arbitrage ne pouvait pas avoir lieu. Consequement nous allons adresser (si le bon Dieu le veût) demain une note à la Diète par laquelle nous l’engageons formellement à s’accorder sur le Pact fédéral, laissant de coté les questions territoriales, sur les quelles il n’est point dans le pouvoir de personne de porter une decision. Les Souverains qui ont deja déclaré leur volonté à cet égard n’ont qu’a prononcer encore une fois sur ces malheureuses questions.»
Contradiction des propos qui paraît choquante, mais qui n’a pas dû gêner l’auteur. Pour lui, l’arbitrage ne peut être qu’une décision imposée par les souverains; alors que pour Monod et les députés à la Diète, les arbitres devront être choisis dans les cantons, et l’arbitrage reste un problème de politique intérieure.
Note des ministres à la Diète
On remarquera par ailleurs que dans la note à la Diète annoncée à Monod et expédiée le 13 août (Document n° 72), Capodistrias a soigneusement évité le mot «arbitrage», peut-être pour contenter Monod, mais surtout pour ne pas outrepasser ses instructions.
1. ibidem, p. 396.
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C’est en effet le 13 août que les ministres adressent à la Diète la note que W. Martin1 qualifie de l’«une des plus raides que la Confédération ait jamais reçues et méritées». Les ministres réaffirment par écrit les propos qu’ils ont dû tenir le 11 au soir: les différends qui séparent les Suisses auraient pu être réglés depuis longtemps avec un peu de bonne volonté. «Aucun Canton, quel qu’il soit, ne saurait par luimême fixer l’attention des grands Etats de l’Europe; ce n’est et ce ne peut être que sous la figure d’un Corps fédératif, que la Suisse entière les intéresse.» Les Suisses ne semblent pas se montrer dignes de l’indépendance que les Souverains leur ont laissée et il leur faut racheter le temps perdu par un redoublement de zèle et de loyauté pour achever le Pacte fédéral. «C’est à cette condition que les Soussignés prennent ici l’engagement, non seulement de faire tout ce qui dépend d’eux pour trouver et faire agréer des modes de compensations équitables et suffisantes aux demandes du second et troisième ordre, mais encore de solliciter sur celles du Canton de Berne, qui sont au prémier rang, des pouvoirs et instructions, telles qu’il en faudra pour rétablir la concorde en Suisse et concilier les intérêts de tous les Cantons. Si cette proposition ne conduit pas à un résultat satisfaisant, les Soussignés se trouveraient hors d’état de continuer leurs rélations avec la Diète en attendant les ordres ultérieurs de Leurs Majestés.»
La gravité de la situation et les risques certains de guerre civile au début du mois d’août sont sensibles à beaucoup de gens en dehors de la Diète. De passage en Suisse, le ministre prussien Humboldt a rédigé le 2 août à Schaffhouse à l’intention de son souverain un mémoire très critique et pessimiste sur la Suisse. Dès ce moment circulent dans le pays des propos inquiétants pour l’indépendance de la nation: un projet de constitution germanique élaboré à Berlin proposait que la Suisse et les Pays-Bas soient invités à conclure avec la Confédération germanique une alliance perpétuelle. Certains projetaient d’accorder la Suisse à la maison de Bade ou de Wurtemberg ou même au duc de Kent qui en deviendrait stathouder. L’opinion publique suisse est informée de ces projets souvent fumeux par des articles de journaux allemands et français.2
1. W. Martin, op. cit., p. 398.
2. ibidem, p. 399.
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Accord sur le projet du Pacte fédéral
Conscients soudain du danger extérieur et secoués par la note virulente du 13 août, les députés, en moins de trois jours, grâce surtout à des conférences privées, mettent au point un nouveau projet de constitution. Comme le remarque W. Martin,1 «ce que n’avaient pas pu faire sept mois d’efforts, de discussions, de contradictions et d’hésitations fut possible, en quelques heures, sous la pression extérieure.»
Ce projet laissait de côté la question épineuse des revendications territoriales. Une convention annexe adoptée le même jour, soit le 16 août, bien que violemment combattue par les députés vaudois, proposait que les cantons qui avaient des revendications territoriales à faire, en déposent avant le 24 août la liste précise devant la Diète. Ces revendications seraient réglées «à l’amiable» par des arbitres choisis par les cantons intéressés. En cas de difficulté, le conflit serait soumis à un jugement arbitral dans les trois mois, et ce qui était plus grave, l’article IV de la convention prévoyait: «En ce qui concerne les territoires contestés, ils resteront exclus de la garantie du territoire des cantons jusqu’à ce que les revendications dont ils sont l’objet aient été écartées et réglées par le développement de ces principes.»2
Le recès de la Diète résume succinctement ces décisions:3
On soumet à la Diète comme résultat de ces conférences privées 1° le Projet d’un Pacte fédéral modifié. 2° une Convention faite dans le but d’éclaircir l’article 1er du Pacte fédéral relatif aux prétentions territoriales et autres. Après que toutes les Députations en eurent pris connoissance au protocole, il fut décidé: Que les deux Projets ci-dessus seroient communiqués aux Cantons et qu’on les inviteroit à déclarer leur sentiment avant le 5 Septembre [...].
Les députations ayant convenu à l’unanimité de se rencontrer de nouveau à Zurich le 5 7bre, les séances sont suspendues jusqu’à cette époque et la Direction des Affaires fédérales est confiée pendant ce tems au Canton de Zurich comme Directoire provisoire.
Ces décisions, sous forme de réponse à la note du 13 août, furent notifiées en bonne et due forme aux ministres:4
1. ibidem, p. 400.
2. ibidem, p. 400.
3. AEG, Conf. B. 1, p. 12, séance du 16 août 1814.
4. Abschied 1814-1815, t. I, p. 164.
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La Diète éprouve une vive satisfaction de pouvoir annoncer à Vos Excellences, qu’elle a maintenant de justes motifs d’espérer que les incertitudes et les discussions sur le pacte fédéral touchent enfin à leur terme. Un nouveau projet, combiné dans des conférences amicales, a été lu aujourd’hui en Diète, et les députations se sont engagées à le présenter à leurs gouvernemens dans l’espérance qu’il pourrait servir de point de réunion à tous les cantons.
Une convention spéciale, approuvée de la même manière, a pour but de faciliter la conciliation des différends qui se sont élevés entre quelques Etats. Cette convention coïncide dans son objet essentiel avec les déclarations contenues dans la note des Ministres des puissances alliées.
Et chacun de regagner ses pénates, ou le lieu de repos de son choix. Pour Capodistrias, grand amateur, comme beaucoup de ses contemporains, de cures thermales, ce sera Baden, situé en territoire argovien, où il séjournera jusqu’au 9 septembre, ainsi qu’en témoigne une lettre à son père.1 En fait, il doit retrouver dans ce lieu mondain une bonne partie de ses connaissances, à commencer par le landamman Reinhard. Un billet caustique d’Usteri à Monod précise:2 «Ici il y a une suspension compiette des nouvelles. Tout le monde est parti; le président de la Diète s’est rendu aux bains de Baden, pour des ablutions dont il a grand besoin s(ans) d(oute) mais qui ne blanchiront pas le nègre; le chancelier est parti pour ramener sa femme de Berne. C’est le seul Mr Schraut qui veille en capitale. Il a très mal reçu notre ami Rengger l’autre jour, en lui déclamant amèrement contre les armemens de l’Argovie.» Les Argoviens, nous l’avons noté, profitent de la présence de Capodistrias sur leurs terres pour l’honorer et défendre leur cause. Mais Baden n’étant éloigné que de vingt-quatre kilomètres de Zurich, et les communications fluviales rapides entre les deux villes, au moins à la descente de la Limmat, nous pouvons supposer que Capodistrias a interrompu sa cure plus d’une fois pour participer à Zurich aux conférences importantes qui s’y tiennent dans les premiers jours de septembre.
Conférence de Morat
Le Conseil secret de Berne fit à ce moment un louable effort pour tenter de résoudre les différends qui l’opposaient aux Vaudois, en proposant au Petit Conseil de ce canton, par l’intermédiaire d’un particulier, une entrevue secrète.
1. A.I.K., t. III, p. 249, 94, n° 017. Les rapports à Alexandre et Nesselrode du même jour sont datés de Zurich.
2. BCU, Fonds Monod, Km 264.28. Lettre d’Usteri, Zurich, 23 août 1814.
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L’affaire est discutée par le Petit Conseil vaudois dans sa séance du 15 août; au cours des jours suivants, il est décidé d’accepter la proposition, pour autant que l’Argovie y soit aussi partie prenante. On se met d’accord sur le nombre des délégués (deux par canton), sur le lieu (Morat), sur la date (le 2 septembre), les Vaudois insistant pour que les pourparlers aient lieu avant la reprise des travaux de la Diète.1
Les résultats des entretiens seront très décevants. Si les députés bernois, Graf et Zeerleder, se montrent parfaitement courtois, les instructions qu’ils tiennent de leur gouvernement ignorent les Argoviens et ne comportent qu’une série de revendications financières très abusives à l’égard du canton de Vaud. Conférence qui apparemment se solde par un échec, mais qui a tout de même eu le mérite de mettre en présence les parties adverses.
La Harpe à Zurich
A peine arrivé à Lausanne, Monod est rappelé par Reinhard à Zurich pour participer dès le 1er septembre aux travaux de la commission diplomatique qui doit préparer les instructions à remettre aux députés à Vienne. Cela lui permet de rencontrer La Harpe, chargé de défendre au Congrès les intérêts des Vaudois et des Tessinois, qui fait halte pour quelques jours à Zurich. Sa présence dans les coulisses de la Diète contrarie fort quelques ministres. Dans son rapport à Metternich du 15 septembre,2 Schraut déplore sa présence et celle de Rengger, anciens ministres de la République helvétique, au moment où la Diète doit se prononcer sur le Pacte fédéral. La Harpe suit de près ce qui se fait à la Diète «et toujours dans la plus étroite accointance avec les Vaudois et les Argoviens dont l’animosité contre Berne approche du délire». Et plus loin: «Il tourna en tout sens pour m’engager d’entrer avec lui dans la discussion de la contreverse entre ces trois Cantons, me disant que dans sa qualité de Vaudois, il ne pouvait faire moins, que de tâcher de rendre service à son pays; il voulut que je le chargeasse de quelque Commission pour Vienne, de quelque lettre pour Votre Altesse, ajoutant que Mr Rengger, auquel il était attaché d’ancienne amitié, ferait avec lui ce voyage. Je l’ai comblé de politesses jusqu’à son départ, sans entrer avec lui sur aucune
1. L’ensemble des documents vaudois sur cette conférence sont publiés dans Monod, op. cit., t. II, p. 406-424. Les documents argoviens sont groupés auxar chives d’Etat d’Aarau, dans AA2 Mappe P, no 18.
2. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 248, n° 112 (= AEG ms hist. 46, f. 360), rapport de Schraut à Metternich du 15 septembre 1814.
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affaire, ni de ce pays-ci, ni d’un autre. Mr de Capo d’Istria lui-même n’était pas trop à son aise de la présence de ce personnage dans ce moment; et quant au Ministre d’Angleterre, il ne prit pas même la peine de lui déguiser le sentiment dont Elle l’affectait.»
C’est pourtant La Harpe que Capodistrias choisit comme intermédiaire pour avertir Monod de ne pas s’entêter à outrance. Monod rapporte1 dans ses Mémoires:
Comme en ratifiant le Pacte fédéral tous les cantons, le nôtre entre autres, n’avaient pas ratifié la convention qui y était jointe, les grandes difficultés qu’on avait voulu concilier par là subsistaient toujours. On crut, dans le but de les terminer, devoir rassembler en particulier les députations en désaccord, avant d’assembler la Diète même. Dans les cantons qui n’avaient pas accepté, il y en avait qui avaient eu autant ou plus d’intérêt que nous à en agir ainsi, mais nous étions celui qui montrait le plus de vigueur et de fermeté, et l’on ne doutait pas, si on parvenait à nous faire céder, que les autres n’en fissent autant. On crut donc devoir chercher à nous intimider, et le ministre anglais s’en chargea. Il déclara que si on ne pouvait pas s’entendre, il était d’avis que les XIII anciens Cantons se confédérassent, et qu’on les reconnût. Capo d’Istria, loin de réclamer en rappelant les engagements des trois puissances, chargea de La Harpe, qui n’était pas encore parti, de me faire part de cette menace, qui, si elle n’était pas sérieuse, avait été suivie de la part du même Cannnig d’une autre peut-être plus dangereuse. Il ne s’agissait de rien moins que de partager la Suisse, si dans la quinzaine on n’était pas d’accord. Capo d’Istria laissait entrevoir que ceci pourrait bien être une prédiction de ce qui arriverait.
C’est donc La Harpe qui a dû remettre le petit billet entièrement autographe griffonné à ce sujet par le ministre russe (Document n° 75), daté du 3 septembre et classé dans la correspondance de Capodistrias à Monod. Nous ignorons si l’entretien entre Zellweger, Canning et Capodistrias eut lieu à Baden ou à Zurich. Et nous pensons que La Harpe aura plutôt encouragé Monod à tenir bon qu’à céder.
Adoption du Pacte fédéral
La Diète reprend ses travaux et le 9 septembre, la plupart des cantons, y compris Berne, ratifient le Pacte avec ou sans réserve. De fortes objections sont formulées contre la convention par les nouveaux cantons, mais elle n’est finalement refusée que par Vaud.
1. Monod, op. cit., p. 276-277.
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On accepte ensuite à la majorité des voix la Déclaration d’acceptation du Pacte fédéral présenté par la Chancellerie comme le résultat de la discussion du jour précédent et la Commission Diplomatique est chargée de rédiger un projet de serment pour jurer le dit Pacte. Les Etats absens de Nidwalden, Schwitz et Tessin sont informés par voie de courriers de ces délibérations et invités à y accéder. Notification faite aux Ministres des Puissances Alliées de cette constitution, la même notification devra avoir lieu à l’égard des monarques alliés au prochain Congrès de Vienne par le moyen d’une Députation.1
Schwytz et Nidwald resteront sourds à l’appel et vont même quelques jours plus tard rétablir entre eux par serment le Pacte qui avait uni les trois Waldstätten en 1315 ! Ce n’est que plusieurs mois plus tard qu’ils rentreront dans le giron de la Confédération. Et il faut attendre la fin des troubles au Tessin pour que ce canton puisse accepter officiellement le Pacte dans les derniers jours de novembre 1814.
Cette version du Pacte était moins contraignante que le projet du mois de mai, que certains cantons comme Bâle aurait préféré. Elle faisait des concessions importantes aux conservateurs et aux fédéralistes à outrance. Les cantons ne se garantissaient plus réciproquement leurs constitutions qui n’avaient plus à recevoir l’approbation de la Diète. Elle n’accordait pas de garantie fédérale aux territoires en litige jusqu’à ce que la solution soit trouvée; elle laissait une souveraineté presque absolue aux cantons; les attributions du pouvoir central étaient encore diminuées. Le Vorort alternerait tous les deux ans entre Zurich, Berne et Lucerne.2
Les partisans d’un Etat plus centralisé préfèrent accepter cette situation boiteuse plutôt que de permettre aux grandes Puissances d’intervenir dans leurs affaires intérieures. De plus, l’adoption du Pacte permettait à la Confédération de se faire représenter officiellement au Congrès de Vienne, où seraient tranchées la plupart des questions pendantes.
Rapports de Capodistrias à Nesselrode et au tsar
Le soir même de l’adoption du Pacte, Capodistrias envoie un rapport à Nesselrode et deux messages personnels à l’empereur. Dans son rapport à Nesselrode,3 Capodistrias annonce l’acceptation du Pacte
1. AEG, Conf. B.l, p. 14, séance du 9 septembre 1814.
2. Van Muyden, op. cit., p. 135.
3. AEG, Ms hist. 45, f. 25v, no 58, copie de la lettre de Capodistrias à Nesselrode, datée de Zurich, le 28 août/9 septembre 1814.
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par la Diète, qu’une députation ira porter à Vienne pour le soumettre:
Malheureusement cet acte résultant de la conciliation d’une partie des intérêts opposés n’a pu les comprendre tous et plusieurs prétentions importantes ont été mises en réserve par les Etats qui n’ont ni voulu les sacrifier au bien général ni pu les faire admettre par leurs adversaires. Des efforts continuels de ma part et de celle des Ministres alliés pour amener les Suisses à s’accorder d’eux mêmes sur leurs contestations de territoire n’ont abouti qu’à prouver que leurs passions portées à l’extrême les en rendent incapables et que c’est à l’impartialité des P.A. à trancher ces questions par une décision péremptoire. Cet objet [...] demande nécessairement un accord préalable avec les autres cabinets Alliés car les différends qui se sont élevés entre les Cantons sur la fixation de leurs territoires n’ont point été envisagés sous le même point de vue par tous les Ministres résidant à Zürich. Il est donc indispensable que cette légère divergence dont la source remonte jusqu’aux cabinets soit écartée par eux mêmes. Un travail que je prépare pour S.M.I. et sur lequel j’attends ses ordres, pour aller le Lui soumettre à Vienne ou pour le Lui adresser d’ici, contiendra le développement des questions que cet objet embrasse et de la manière la plus juste et la plus conforme à tous les intérêts de les décider.
La teneur de la lettre qu’il adresse à ce sujet à l’empereur1 est identique et se termine également par le souhait d’être appelé à Vienne.
Non sans hésitation, semble-t-il, et encouragé par La Harpe, il envoie ce même jour à l’empereur une longue digression2 sur la voie que devrait emprunter, selon son idée, la politique extérieure russe. Il insiste beaucoup sur le rôle prépondérant que peut jouer le tsar dans cette époque cruciale.
[...] Ainsi en considérant dans l’ordre de l’opinion et de l’influence morale la puissance des Princes qui gouvernent l’Europe, nul d’entre eux ne peut contester une prépondérance absolue à la Puissance de l’Empereur Alexandre. Employer cette Puissance à l’extérieur avec mesure et d’après un système ce serait favoriser la régénération de la Russie, préparer celle de l’Orient et servir l’humanité.
De ce système. Tous les cabinets connaissent et redoutent l’étendue et la force de cette Puissance morale qui est entre les mains de l’Empereur Alexandre. C’est le principe qui provoquera peut être les alliances les plus extraordinaires et les plus secrètes.
1. ibidem, f. 17v, no 17, lettre de Capodistrias à Alexandre, datée de Zurich, 28 août/9 septembre 1814.
2. ibidem, f. 17v, no 18, lettre de Capodistrias à Alexandre, datée de Zurich, 28 août/9 septembre 1814.
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Il paraît conséquemment que les transactions dont on va s’occuper à Vienne devront d’abord tendre à faire manquer toutes ces alliances en préparant celles qui seront les plus conformes au système politique que la Russie veut embrasser.
Ce système ne semble guère pouvoir être fondé dans un moment où les plus grands états du continent vacillent sur leurs bases, et où l’Angleterre est dans le plus haut degré de sa puissance. Ce n’est que le temps qui pourra donner la mesure de la stabilité de la Constitution française et des succès des différentes branches des Bourbons. Ce n’est que le temps et l’incertitude de l’avenir qui peuvent faire manquer les projets de l’Autriche sur l’Italie et sur le midi de l’Allemagne. Ce n’est que le temps et l’incertitude de l’avenir qui peuvent tenir en respect des gouvernements illibéraux envers leurs peuples, qui peuvent conserver le bon esprit des nations souhaitant un meilleur sort, qui peuvent rendre efficace et salutaire l’influence de l’Empereur Alexandre. Ainsi reculer à un terme éloigné la stipulation des transactions finales entre les Souverains réunis à Vienne paraîtra être la mesure la plus utile aux intérêts de la Russie.
On sent en avance que ces vœux peuvent être incompatibles avec les circonstances et contraires aux conventions et arrangements antérieurs.
S’il était possible de les réaliser en partie ce serait encore un avantage. L’Allemagne doit avoir une constitution. Peut-être le sort de la Pologne doit-il être décidé.
Pourquoi ne mettrait-on pas sur la même ligne les intérêts généraux de la navigation et du commerce et pour celui de la Russie en particulier le libre passage par la mer Noire dans l’Adriatique et dans la Méditerranée. Les affaires de l’Orient seraient entamées par cette dernière ouverture et l’Angleterre et l’Autriche forcées de dévoiler leur politique à l’égard de la Porte. Les négociations relatives à tant d’objets importants ne pourraient certainement être achevées ni à Vienne ni en peu de temps ni sous l’inspection immédiate des souveranis.
Ainsi en séparant les questions, en décidant pour le moment celles qu’on peut considérer comme fondamentales, on pourrait remettre toutes les autres à un congrès général qui s’ouvrirait dans une petite ville d’Allemagne et qui dans l’espace de quelques années, pacifierait l’Europe. C’est de cette manière qu’on gagnerait tout le temps que pourrait exiger la composition d’un grand système politique pour la Russie, et cet intervalle servirait utilement à rassembler les notions indispensables pour baser solidement ce vaste édifice [...].
Pour réaliser ces desseins, Capodistrias suggère à l’empereur d’utiliser les membres des Légations russes à l’étranger.
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Louis Fauche-Borel
Il faut ajouter à ces rapports une troisième lettre à l’empereur, datée du 29 août/10 septembre1 et accompagnant une supplique du Neuchâtelois Fauche-Borel. Ce libraire, père de famille tranquille, fidèle sujet du roi de Prusse, s’était trouvé jeté au cours de la Révolution dans le parti monarchiste français et était devenu l’un des agents les plus actifs et téméraires de Louis XVIII, servant d’intermédiaire auprès des généraux Pichegru et Moreau, puis du directeur Barras, que les royalistes avaient eu l’espoir de faire basculer successivement dans leur camp. L’échec du mouvement royaliste du 4 septembre 1797 et surtout le coup d’Etat du 18 Brumaire 1799 qui porta Bonaparte au pouvoir et entraîna la chute de Barras, déjouèrent ces plans. En 1814, Fauche-Borel est toujours en possession des lettres patentes signées par Louis XVIII à Mittau en 1799 pour Barras, lettres dont il envoie copie à l’empereur Alexandre. Le libraire neuchâtelois a passé plusieurs années à la prison du Temple, il s’est entièrement ruiné pour la cause du roi et il attendra —en vain, il faut bien le dire— dès la Restauration, la récompense de ses services. Il publiera quatre volumes de Mémoires pour expliquer ses déboires et finira par se suicider en 1829.
Ce qu’il voudrait d’Alexandre en septembre 1814, c’est une marque de satisfaction. Par les dédales tortueux des collections d’autographes, la lettre que Capodistrias écrit à Fauche-Borel (Document n° 76) pour l’avertir qu’il a transmis sa demande à l’empereur, se trouve aux Archives du Collège Calvin de Genève! On peut se demander si Capodistrias aurait été aussi aimable dans ses termes s’il avait su que Fauche-Borel s’était chargé peu de temps auparavant de transmettre au prince-régent de Grande-Bretagne un mémoire des Bernois, plaidant leur cause en s’opposant au plan établi par les ministres à Zurich.
Capodistrias appelé à Vienne La calèche de Lenzbourg
Comme pour les rapports antérieurs, nous ignorons quelle fut la réaction officielle à ces lettres des 9 et 10 septembre. Nous la connaissons tout de même indirectement par la lettre que Capodistrias, encore sous le coup de la surprise, envoie le 24 septembre à la Diète pour annoncer son départ (Document n° 82): «Sa Majesté l’Empereur de toutes les Russies vient d’or-
1. ibidem, f. 19, no 19, lettre de Capodistrias à Alexandre, 29 août/10 septembre, transmettant une supplique de Louis Fauche-Borel.
Σελ. 251
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- Κώστα Δαφνή, Προλογικό σημείωμα
- Γρηγόρη Δαφνή, Ο Καποδίστριας στην Ελβετία (1813-1814)
- Michelle Bouvier-Βron, Avertissement
- La Mission de Capodistrias en Suisse (1813-1814)
- Τα κείμενα / Les documents
- Τα 22 καντόνια της Ελβετίας του 1815
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- Carte de la Confédération helvétique / Χάρτης της Ελβετικής Συνομοσπονδίας
- La Landsgemeide de Trogen du 1er avril 1814 / Η Εθνοσυνέλευση του Τρόγκεν, την 1η Απριλίου 1814
- La formation du territoire du Canton de Genève / Η εδαφική διαμόρφωση του Καντονιού Γενεύης
- Billet autographe de Capodistrias à Henri Monod, daté du 11 août 1814 (Document n° 71) / Αυτόγραφο σημείωμα του Καποδίστρια προς τον Henri Monod, με ημερομηνία 11 Αυγούστου 1814 (Έγγραφο αρ. 71)
- Erratum
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Ψηφιοποιημένα βιβλία
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Α΄, 1976
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Β΄, 1978
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Γ΄, 1980
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄, 1984
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Ε, 1984
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. ΣΤ΄, 1984
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Ζ΄, 1986
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Η΄, 1987
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Ι΄, 1983
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Capodistrias par le président du gouvernement von Beding et les conseillers Suter et Friderich, ainsi que d’un déjeuner officiel.1
Soleure
Au cours du mois d’août, Capodistrias allait aussi être amené à s’occuper de la constitution cantonale de Soleure. Un premier projet de constitution, adopté par le Grand Conseil de Soleure le 8 juillet, avait été trouvé beaucoup trop aristocratique tant par les esprits libéraux comme Paul Usteri, que par les ministres étrangers. Aussi le conseiller soleurois Lüthy, lié d’amitié avec Usteri, se renditil à Zurich pour y rencontrer, dès le 6 août, Capodistrias et Schraut, avec lesquels il ne tint pas moins de sept séances pour examiner le projet de la constitution. Les amendements proposés par les ministres furent plus de forme que de fond. Ce projet modifié fut adopté par le Grand Conseil soleurois le 17 août; dans ses particularités, on remarquera que le nombre des membres du Grand Conseil était fixé à 101 dont 33 pour la campagne; le mode d’élection au Grand Conseil était aussi compliqué que dans les constitutions argovienne,vaudoise ou saintgalloise; le nombre des membres du Petit Conseil était ramené de 38 à 21, la proportion des députés de la campagne y étant améliorée. La séparation des pouvoirs restait aussi peu rigoureuse qu’ailleurs. Dans la dernière partie du projet, des améliorations sensibles étaient apportées à la liberté de profession, de commerce et d’établissement, ceci pour satisfaire la population et complaire probablement aux grandes puissances.2 En conclusion, même si les progrès n’étaient pas spectaculaires, cette constitution soleuroise était plus en harmonie avec celles des autres cantons que les constitutions bernoise ou fribourgeoise.
Dès le 22 juillet et pendant tout le mois d’août furent organisées les élections complémentaires pour le Grand Conseil, celles du Petit Conseil et des juges cantonaux; le 1er septembre eut lieu l’installation solennelle des nouvelles autorités qui exhortèrent le peuple à la fidélité, l’obéissance, la concorde et la tranquillité. C’est à ces événements que Capodistrias se réfère dans la lettre qu’il adresse à Paul Usteri le 28 août de Baden (Document n° 73): «Tout ce que l’on m’ecrit de Soleure annonce de la modération, et de la Sagesse [...]. Et si les élêctions de Soleure seront faites avec conscience, je me propose d’aller voir ces nouveaux Magistrats avant de revenir à Zurich.» Il ne semble pas avoir
1. ibidem, p. 269, séance du 29 août 1814.
2. Hans Sigrist, Solothurnische Geschichte, Soleure 1981, t. III, p. 571 sv.