Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
Τίτλος: | Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄ |
Τόπος έκδοσης: | Κέρκυρα |
Εκδότης: | Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών |
Συντελεστές: | Κώστας Δαφνής |
Έτος έκδοσης: | 1984 |
Σελίδες: | 364 |
Θέμα: | Ο Καποδίστριας στην Ελβετία |
Τοπική κάλυψη: | Ελβετία |
Χρονική κάλυψη: | 1813-1814 |
Περίληψη: | O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του. |
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A Bâle, Des Arts et Saladin fréquenteront un peu les Bernois, avec lesquels ils partagent la crainte du «péril jacobin» que présente le Pays de Vaud pour ses voisins, mais plus encore les députations du Valais et des Grisons — Des Arts voit à deux reprises le comte de Salis ! — qui, elles aussi, cherchent à obtenir pour leurs patries le statut de républiques indépendantes alliées de la Confédération.
Pour sa part, Pictet de Rochemont avait rendu visite en cours de route à son ami le pédagogue et agronome bernois Philippe-Emmanuel de Feilenberg à Hofwil près de Berne, qui lui avait donné une lettre de recommandation pour le baron de Stein1 — et non pour Capodistrias qu’il ne devait pas encore connaître. Le 10 janvier, Pictet de Bochemont, qui profitera d’ailleurs de chaque occasion de rencontre avec les Busses haut placés pour parler de ses établissements d’élevage de moutons près d’Odessa — c’est un sujet que nous retrouverons dans plusieurs de ses lettres à Capodistrias dans les années suivantes —, Pictet a une première entrevue avec Stein, qui le charge de la rédaction d’un mémoire sur la question genevoise; Stein l’encourage à revendiquer hardiment les territoires qui pourraient permettre à Genève de former un canton digne de ce nom et accolé à la Suisse. En fait, les Alliés sont préoccupés, beaucoup plus que des intérêts de la République de Genève, de donner à la Confédération une frontière occidentale viable qu’elle pourrait défendre contre son puissant voisin.
Ce mémoire est remis deux jours plus tard à Stein, en même temps qu’un mémoire de Des Arts sur la même question, qui fait apparaître très clairement les divergences de vue de la députation. En fait, pour que la politique genevoise devienne cohérente, il faut attendre le Con-
1. ibidem, p. 81. Dans une lettre du 2 janvier 1814 à Pictet, Feilenberg écrit: «Le ministre de Stein est notre homme par excellence». Si l’on se réfère à l’ouvrage fondamental de Kurt Guggisberg, Philipp Emanuel von Fellenberg und sein Erziehungsstaat, 2 vol., Berne 1953, dont nous tirerons la plupart des renseignements sur Fellenberg (ici t. II, p. 324 et sv.), nous pouvons constater qu’à côté de ses activités pédagogiques, Fellenberg s’est préoccupé de questions politiques au cours de cette courte période de la Restauration. Il semble s’être rendu au Q.G. de Fribourg-en-Brisgau pour exposer aux Alliés la situation dramatique de la Suisse, et avoir obtenu des entrevues auprès de Metternich, Stein et Humboldt. Dans une lettre du 30 décembre 1813 au landamman Reinhard, il révèle qu’il est «au mieux» avec les ministres Humboldt et von Stein, d’où le conseil donné quelques jours plus tard à Pictet de s’adresser de préférence à Stein, qui malheureusement devait tomber en disgrâce peu après. L’entrevue avec Metternich paraît avoir été plus laborieuse. Ce même 30 décembre, Fellenberg aurait écrit une lettre à Capodistrias au sujet des décisions à prendre dans l’immédiat, lettre que malheureusement nous n’avons pas pu repérer.
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grès de Paris à la fin du mois de mai, où Pictet représente seul les intérêts genevois et reçoit, un peu tardivement il est vrai, les excellents conseils de Capodistrias. Alors que Pictet est malade, Des Arts et Saladin ont une entrevue le 14 avec Metternich, auquel ils remettent les deux mémoires et qui semble bien disposé à l’égard de Genève, puis un bref entretien avec Nesselrode.
Le 16 janvier, ils sont reçus avec Pictet rétabli, d’abord par l’empereur d’Autriche, puis par le tsar de Russie qui leur fait une beaucoup plus forte impression. Au discours un peu conventionnel et flagorneur de Des Arts, Alexandre répond de façon précise et positive, après avoir rappelé, comme il le fera devant presque toutes les députations, ce qu’il doit à son précepteur de La Harpe:1 «Je n’ ai pas oublié que je dois les premiers Elemens de mon éducation à un Suisse, je ne l’oublierai jamais».
Dernier contact de la députation avec Fellenberg:2 «L’avant-veille de notre départ, Mr de Fellemberg revenant d’auprès de S.M. l’Empereur de Russie et de Mr le baron de Stein, informa Mr Pictet qu’il y avoit un projet de faire de la Suisse une confédération formidable». En outre Pictet est invité à accompagner Stein en France en qualité de secrétaire général de l’administration des régions conquises. Vivement encouragé par ses collègues, il acceptera et suivra la quartier général jusqu’à Chaumont. On remarquera que si les Genevois ont vu Stein, Nesselrode et Lebzeltern sur lequel Des Arts porte un jugement particulièrement favorable, ils n’ont eu aucun contact avec Capodistrias, arrivé très tardivement à Bâle, le 15 ou 16 janvier seulement.
Si l’on revient aux entrevues que les autres députations suisses ont avec les souverains, il apparaît clairement que le tsar, par sa forte personnalité et la mesure de ses propos, a exercé une influence prépondérante: fermeté absolue avec les députés bernois; injonction aux députés de la Diète à terminer au plus tôt leur organisation intérieure; et à ceux des Grisons de rester suisses; protection formelle accordée aux députés de l’Argovie et du Pays de Vaud.
Pour des raisons obscures, Capodistrias avait été convoqué assez tardivement à Bâle (Document n° 12), où il reçut des instructions très précises. En effet, à la députation suisse le 15 janvier, Alexandre explique:3 «J’ai fait venir le Comte de Capodistria ici, tant pour lui con-
1. AEG, R.C. 1814, f. 5; Papiers Des Arts, VIII 2, f. 12.
2. AEG, R.C. 1814, f. 6^; Papiers Des Arts, VIII 2, f. 17.
3. Abschied 1813-1814, p. 49.
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firmer ses instructions à cet égard [au sujet de la constitution et du gouvernement], que pour que, pendant que vous êtes encore ici, on puisse convenir des moyens de terminer l’agitation dans laquelle vous vous trouvez, et que vous ne perdiez pas par la continuation de cet état la bonne réputation que votre brave nation s’est acquise à juste titre.» Et le 17 aux Argoviens:1 «Vous pouvez compter que j’insisterai sur l’existence du canton d’Argovie et c’est dans ce sens que je donnerai des instructions à M. Capo d’Istria.»
Ce même jour, semble-t-il, le tsar quitte Bâle, avant les autres souverains, pour rejoindre les armées en France; l’entrevue avec son envoyé en Suisse aura donc été brève, mais les ordres très nets, puisque Capodistrias peut annoncer le 19 janvier déjà une visite au landamman Reinhard où sont discutés probablement les termes de la lettre envoyée conjointement à la Diète par Capodistrias et Lebzeltern, première ingérence importante dans les affaires suisses, lettre dont le ton contraste avec le billet fort aimable que Capodistrias adresse au landamman le 25 janvier 1814 (Documents nos 13, 14 et 16).
C’est à Zurich, chez Lebzeltern, qu’a lieu le 22 janvier la première entrevue, fortuite du reste, entre un Genevois et Capodistrias. L’un des députés genevois, Saladin de Budé, avait fait de Bâle le détour par Zurich, pour rendre une visite officielle au landamman et remettre à Lebzeltern un second mémoire de Pictet sur la question genevoise. Il raconte, dans un bref rapport joint à celui de Des Arts,2 sa visite de la façon suivante:
[...] et enfin rentré dans son Sallon, il [Lebzeltern] m’a présenté à Mr Capo d’Istria Envoyé de Russie avec lequel je me suis entretenu plus d’une heure sur nos affaires, sur nos limites naturelles, l’étendue du territoire que l’on paroissoit vouloir nous donner; je l’ai prié de vouloir bien prendre connoissance de notre 2d Mémoire. Il a ajouté, l’on vous veut du bien de tous côtés, même ici à Zurich, quoiqu’on vous craigne un peu sous un rapport qui vous fait honneur, puisque c’est sur l’ascendant des lumières et des connoissances; Mais Vos Députés étant bien choisis, venant avec les intentions de fraterniser seront bien reçus. Il fait grand cas du Landamman. Il sent tout comme le 1er qu’il faut détruire la Jacobinière du Canton de Vaud, mais c’est une affaire
1. W. Martin, op. cit., p. 201.
2. AEG, R.C. 1814, f. 7T. Rapport de Mr le Conseiller Saladin du 29 janvier 1814, daté de Zurich 22 janvier 1814, copié de la main de Des Arts, cité en partie par P. Waeber, op. cit., p. 94.
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délicate qui se lie avec le Canton de Berne auquel il faut aussi faire entendre raison. On veut à ce qu’il paroit que Berne ait le mérite de reconnoitre l’indépendance des deux Cantons, et obtienne de de [sic] certaines conditions tant pour les propriétés des Bernois sur les Cantons voisins, que pour influer sur la réorganisation de leur Gouvernement, ou enfin pour obtenir quelqu’indemnité. Les 2 Envoyés m’ont paru mettre la plus grande importance à la régénération du Canton de Vaud pour appeler au Gouvernement les grands et riches propriétaires. J’ai fort insisté pour que nos anciens amis de Berne puissent être contens, en raison de leurs pertes inouies par l’Acte de Médiation et pour que le Canton de Vaud put nous offrir Sécurité quant aux principes, et confiance quant aux individus.
Dissidence des cantons aristocratiques
si Lebzeltern et Capodistrias n’avaient pas craint, dans leur lettre du 20 janvier 1814 (Document n° 14), de réclamer que les cantons récalcitrants envoient des délégués dans les huit jours, ils seront loin d’obtenir satisfaction. En effet, le coup d’Etat amorcé à Soleure le 8 janvier s’est consolidé, et le nouveau Conseil mis en place dès le 21 n’hésite pas à rappeler ses députés de l’Assemblée et à demander selon les formes usitées sous l’Ancien Régime la convocation de la Diète des XIII Cantons.1
A Fribourg, c’est légalement que le Grand Conseil à la majorité d’une voix, mais en l’absence de l’avoyer Diesbach, alors à Zurich, vote le 14 janvier l’abrogation de l’Acte de Médiation. Le Grand Conseil de l’Ancien Régime est convoqué et chargé de réviser la constitution et «la mettre en harmonie avec les vues libérales manifestées dans les notes officielles des ministres des Souverains alliés».2 L’avoyer de Diesbach ne pardonnera pas à ses concitoyens ce mode de faire et cela explique probablement le fait qu’il devienne dès les semaines suivantes le plus sûr informateur de Capodistrias sur les affaires fribourgeoises. Dans les archives de la famille Diesbach3 figure un brouillon de quatre pages adressé à «Monsieur le Comte», «En janvier 1814», où l’ancien avoyer s’efforce d’éclairer Capodistrias sur les imbroglios de la politi-
1. Van Muyden, op. cit., p. 81.
2. Van Muyden, op. cit., p. 82.
3. Conservées aux archives cantonales de Fribourg.
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que fribourgeoise. D’emblée, il affirme: «La Commission d’Etat continue a vouloir separer le Canton de Fribourg de la majorité de la Suisse, quoique ce sentiment soit bien loin d’etre partagé par les dix neuf vingtièmes du Canton, qui sont désolés de cette obstination, en faveur de laquelle on n’aperçoit aucun pretextes.» Et il ne cache pas son désarroi devant la mainmise sur le pouvoir par un clan très restreint. Capodistrias lui répondra le 7 février (Document n° 21) en termes conciliants, préoccupé avant tout que la Commission fribourgeoise travaille au plus vite à l’avancement de la constitution cantonale.
Enfin, à Lucerne, les patriciens s’agitent mais doivent faire face à une opposition de la campagne beaucoup mieux organisée. Les deux partis envoient des délégués au landamman Reinhard qui, d’accord avec les ministres alliés, leur propose la formation d’une commission mixte qui s’occuperait de réviser la constitution cantonale et expédierait les affaires courantes.1 Ce projet fut refusé le 19 janvier par le Grand Conseil lucernois, qui en informa les ministres. Leur réaction fut immédiate. Dans une lettre fort concise (Document n° 15), de la main de Lebzeltern, ils expriment leur inquiétude devant ce qu’ils appellent «le premier pas à une révolution» et semblent craindre que Lucerne ne rejoigne le camp de Berne et Soleure; ils prêchent une fois de plus l’esprit de prudence et de conciliation.
Dans les semaines d’intenses délibérations qui suivirent, ils eurent des discussions avec des députés de la campagne lucernoise et ils intervinrent auprès du landamman en leur faveur (Document n° 22). Nous verrons par la suite que l’affaire lucernoise était loin d’être réglée.
Ces cantons — Fribourg et Soleure en tout cas — se sentent encouragés par l’attitude très ferme du gouvernement bernois. A Bâle, la députation bernoise a pu mesurer les divergences de vue entre les Puissances alliées, puisque Castlereagh leur a recommandé de «gagner du temps» et Metternich leur a fait comprendre qu’il ne les abandonnerait pas.2 On comprend dès lors que Lebzeltern, très violemment pris à partie par les aristocrates grisons, ne s’y retrouve pas et que dans un rapport du 31 janvier à son chef, il se plaigne amèrement des complots aristocratiques et mette en quelque sorte Metternich en demeure de s’expliquer. Il termine d’ailleurs ce rapport par un éloge de son collègue:3
1. Van Muyden, op. cit., p. 83.
2. W. Martin, op. cit., p. 203-204.
3. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 312 Varia II, no 25, rapport de Lebzeltern à Metternich du 31 janvier 1814, publié par W. Martin, op. cit., p. 205-206.
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«Le Comte de Capo d’Istria travaille dans le meilleur sens, la preuve en est son silence envers sa Cour sur les complications et les faits que rapporte cette Lettre réservée.» Le Petit Conseil des Grisons enverra en date du 17 février une lettre d’excuses aux ministres d’Autriche et de Russie, mettant ainsi fin à la querelle.1
Relations tendues avec le gouvernement de Berne
Ce même 31 janvier, les deux ministres envoient à Reinhard une note succincte (Document n° 17) lui demandant de retenir la communication de la reponse du gouvernement bernois a la Diete. Le 1er février, ils ont à Zurich une entrevue houleuse avec un membre du gouvernement bernois, Bernhard Ludwig de Murait.2 Ce dernier a rédigé un rapport détaillé de sa mission à Zurich à l’intention du Conseil secret de Berne. Dès son arrivée, il obtint une audience auprès des deux diplomates pour le lendemain à dix heures. En attendant, il reçut la visite du Soleurois Glutz qui le mit au courant de l’état d’esprit qui régnait à Zurich: on y était très monté contre les Bernois et leurs deux acolytes: ...«Que les deux Agents Diplomatiques avoient aussi changé leur ton et que Capo d’Istria lui avoit dit la veille, qu’il faudroit revenir à Soleure de ce qu’on y avoit fait, en ajoutant: Adieu Messieurs les Alliés de Berne !». Le lendemain, dès le début de l’audience, le ton monte entre Lebzeltern et de Murait; Capodistrias semble jouer un rôle modérateur, tout en soutenant son collègue. C’est la question de la revendication bernoise sur l’Argovie qui les divise principalement; il semble que les deux diplomates se sont trop avancés à la fin décembre 1813 et se sont trouvés en contradiction avec la politique de leurs souverains à Bâle, d’où un malaise certain. On en jugera par cet autre extrait du rapport, où de Murait déclare:
[...] que les espérances données le 31 de Décembre par ces Messieurs à Mr de Watteville à l’égard de l’Argovie, ainsi que par Mr le Comte de Capo d’Istria à notre Députation à Basle, à l’appuy des titres les plus sacrés autorisent Berne à revendiquer la restitution de l’Argovie sur lesquels on se relacheroit aussi peu que sur une réunion des treize Cantons. Ces Messieurs me répli-
1. ARCHIVES D’ÉTAT DE COIRE, Protocole du Petit Conseil 1813-1814, no 1110.
2. Bernhard Ludwig von Murait (1777-1858). Rapport figurant dans STAB, Akten des Geheimen Rates, Bd 1. Signé à Berne le 3 février par de Murait et Thurner.
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quèrent en se prévalant de ce que plusieurs Bois et Princes ne seroient point réintégrés dans leurs droits à l’issue de cette guerre et que la question de l’Argovie étoit irrévocablement déterminée par S.M. l’Empereur Alexandre, qui n’étoit point accoutumé à revenir sur un parti une fois pris; que quant à la formation de la Diète on pouvoit avoir eu des torts dans la forme de la résolution du 29e de Décembre mais qu’il n’étoit plus question d’y remédier, qu’ils feroient pour Berne tout ce qui seroit en leur pouvoir, mais qu’une resistance plus longue seroit, non une offense pour la Diète et Mr de Reinhard mais directe pour eux et leur Souverains. Après une longue dissertation sur cet objet, et après avoir écouté et rejetté [aussi bien] toutes les accusations à l’égard de nos intrigues dans les petits Cantons, que les insinuations sur la disposition des esprits de nos ressortissants, Mr de Capo d’Istria conclut en ces termes: «au nom de Dieu faites donc que Vos Députés viennent, et ne provoquez pas, en cherchant à gagner du tems, les esprits des autres Cantons d’avantage contre vous; on vous accordera toutes les indemnisations qui sont en notre pouvoir et il viendra sûrement un tems où l’Autriche, restant votre Voisin, pourra faire revenir sur bien des choses et faire valoir des droits, pour vous procurer ce qu’on ne peut vous accorder aujourd’hui, sans compromettre l’intérêt général.» Mr de Lebzeltern entrevint et dit: «l’Argovie nous appartient, nous pouvons en disposer, nous avions des droits sur les Grisons, mais nous voulons nous mêmes y renoncer en faveur des considérations majeures.»—Après avoir observé à Mr le Chevalier de Lebzeltern que de cette manière on pourroit disposer de toute la Suisse, en faisant valoir toutes les promesses passées et en lui rappellant celle donnée par sa dernière lettre du 26 à l’égard des compensations sur les Cantons d’Argovie et de Vaud et des pays qui se trouvoient à la disposition des Alliés; j’insistois pour savoir quelles seroient ces compensations et si on avoit déjà obtenu sur cet objet l’assentiment des Députés de Vaud et d’Argovie? les Messieurs, en avouant sur le dernier point que non et que cette négociation ne seroit à commencer que lorsque nos Députés seroient présents, commencèrent à nier le sens des différentes espérances qu’ils avoient données. Mr de Capo d’Istria dit: «que des paroles verbales et des lettres confidentielles n’étoient pas des déclarations diplomatiques, que si on vouloit imprimer ce qu’il disoit, qu’il le désavoueroit tout, comme tout ce qu’il venoit de me dire confidentiellement. Mr de Lebzeltern prétendoit s’être déjà répenti de ce qu’il avoit avancé à ce sujet dans sa lettre du 26. Après de nouvelles instances, la réponse à l’égard des compensations fut «qu’on nous procureroit quelques villages du district d’Aarbourg jusqu’à la Wickern, la vallée de Moutiers et l’Erguel, en tout un dédommagement de 15 à 20,000 âmes. Après 2h. de discussion et d’entretien, ces Messieurs se résumèrent, en disant qu’il valoit encore mieux venir et protester à la Diete, que de ne pas y paroître du tout; mais qu’en protestant il falloit se garder
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de donner de l’ombrage aux nouveaux Cantons et plutôt faire des réserves pour des dedommagemens [...].
Je pus facilement me persuader dans cette audience, que ces Messieurs comme Mr Reinhard étoient fortement contrequarrés de nos dernières résolutions, et que malgré qu’ils prétendissent avoir des moyens pour consommer l’ouvrage sans nous, la chose leur étoit presque impossible, vû la resistance des petits Cantons contre la centralité; et j’ai tout lieu de croire qu’ils sont dépourvus et d’instructions et de moyens pour parvenir à leur but et à nous contraindre par des voies coërcitives, et que les seules armes, qu’ils ont contre nous, existent dans des libelles et en recevant et en excitant des remontrances de nos propos [sic] ressortissants.
Je n’eus au reste qu’à me louer de la politesse et prévenance de ces Messieurs, qui me prièrent de les revoir, si je ne retournois pas moi même à Berne, en m’assurant combien ils avoient à cœur de servir ma patrie [...].
Cet entretien est suivi d’une audience chez Reinhard, puis d’une nouvelle entrevue avec Lebzeltern qui, carte en mains, discute des concessions qui pourraient être faites de part et d’autre.
De Murait conclut son rapport assez imprudemment:
Cette Diète, conduite par Mr de Reinhard, sous la direction de MMrs Capo d’Istria et de Lebzeltern, qui la forcent, pour ainsi dire, à rester réunie, languit sans travail, excepté celui que fait la Commission législative [...].
Il paroit indubitable qu’une plus longue absence des 3 Cantons mettra les plus grandes entraves aux projets de Messieurs les Agents Diplomatiques et à la confection du nouveau pacte fédéral, et que cette Diète ephémère sera bientôt forcée de faire place à une assemblée plus légale.
C’est dans cette direction que s’engage résolument le gouvernement bernois. Dans les semaines suivantes, d’autres hommes d’Etat écrivent à Metternich ou à Castlereagh pour défendre les intérêts de leur patrie. Berne est régulièrement informée de ce qui se passe au quartier général et sur le front des armées alliées par le baron neuchâtelois J. P. de Chambrier; et elle se sent assez puissante pour encourager en sous-main toute une série de mouvements locaux dans les cantons des Waldstätten qui se joignent au camp des conservateurs.
Ces intrigues bernoises sont exposées avec clairvoyance par Capodistrias à Alexandre dans le rapport qu’il lui en\roie directement le 3 février 1814:1
1. Politique étrangère de la Russie, t. VII, p. 553-555.
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Sire. Les pièces ci-jointes portent à la connaissance de v. m. i. l’état des affaires en Suisse, ce qu’on peut en préjuger dans l’espoir de les terminer par la voie de la conciliation, et les mesures à prendre dans le cas contraire.
Je prends la liberté de demander à cet égard les ordres de v. m. i. J’ai la conviction la plus positive que le véritable projet de l’Autriche, peut-être même de l’Angleterre, est de paralyser nos opérations. L’une se flatte de faire de la Suisse un pays soumis à ses volontés et à sa politique. L’autre prétend augmenter la prépondérance autrichienne dans le Midi.
Le patriciat de Berne se laisse entraîner; dans une république point de secret et j’aperçois qu’on veut gagner du temps. On veut constituer la Suisse à la paix générale dans l’espoir d’éloigner ainsi l’intervention directe de v. m. i.
A toutes les démarches tortueuses qui résultent de ce projet insensé je n’ai opposé qu’une conduite franche et ouverte. Je tâche de faire sentir aux Suisses leurs véritables intérêts. On m’écoute. Je dirai plus, on m’accorde de la confiance. Hormis quelques têtes à préjugés, quelques hommes à passions vulgaires parmi les patriciens des anciens cantons, toute la Suisse attend son repos et son sort de la protection bienveillante de v. m. i.
Pour atteindre ce but il est important de tirer ce pays de l’état révolutionnaire où l’Autriche l’a jeté et veut le maintenir.
J’ai osé en indiquer les moyens dans la note ci-jointe.
Je suis. . .
Le Comte Capodistrias
Annexe:
Etat des affaires en Suisse
Les anciens cantons aristocratiques, révolutionnés par Berne, et associés à ce gouvernement s’opiniâtrent à ne point prendre part aux travaux de la diète.
Ils se flattent de faire la loi à la Suisse, de favoriser exclusivement leurs intérêts.
Les Grisons malgré les déclarations données par l’Autriche paraissent vouloir suivre cet exemple. Les petits cantons étaient sur le point de se laisser entraîner.
On emploie toutes sortes de prestiges pour leur en imposer, tous les moyens de les corrompre; l’argent même n’a point été épargné.
Isoler Berne et ses adhérents et cimenter par des liens solides l’union des cantons représentés à Zurich, tel a été l’objet de mon travail depuis mon retour de Bâle jusqu’à ce jour.
Je n’ose pas répondre du succès. Les apparences le promettent. L’assemblée de Zurich paraît prendre de la consistance, les Grisons y envoient leurs députés mais sans instructions et Berne elle-même se montre disposée à capituler. Une députation qui nous a été envoyée à cet effet paraît destinée à opérer cette conciliation.
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Je la désire pour ne pas provoquer de mesures violentes. Cependant je les ai fait pressentir. Fellemberg a travaillé avec chaleur, non sans utilité.
Si cette conciliation a lieu, la Suisse sera constituée de manière à laisser à chaque parti le moyen de faire valoir ses droits si à l’avenir une force ou une influence extérieure reproduirait dans ce pays la division et la discorde dans la vue de favoriser un parti et d’écraser l’autre.
C’est dans l’intention d’éloigner cette occasion et ces motifs, c’est pour terminer par une transaction solennelle les prétentions de Berne qu’il est préférable de ne pas contester à sa noblesse le droit de se reconstituer et d’adopter d’elle-même les principes libéraux qui peuvent convenir à sa tranquillité intérieure. En encourageant le peuple du canton de Berne à prendre part directement aux affaires, on renverserait la noblesse, on irriterait l’Autriche, on exciterait des troubles, des vengeances, des réactions. On établirait par le fait une divergence dans les opinions des cabinets alliés à l’égard de la Suisse. Des intérêts majeurs pourraient l’assoupir pour le moment. Mais dans la Suisse elle ne manquerait pas de donner lieu à une intervention extérieure dans les affaires de ce pays et par là même à sa perte ou à son asservissement.
Mesures à prendre si la conciliation ne peut avoir lieu
Il se peut cependant que les bonnes dispositions que montre Berne n’aient pour but que de paralyser l’ouvrage de la diète et de gagner du temps. Nous avons donné au gouvernement bernois un terme péremptoire. Nous attendons dans deux jours une réponse définitive. Si Berne n’accède pas il faut remonter au principe de son obstination et y porter remède. Si elle persiste c’est parce qu’elle espère obtenir par la protection de l’Angleterre et de l’Autriche lorsque la paix générale se fera ce qu’elle ne peut gagner dans ce moment, vu l’intervention de la Russie et les égards qu’on a pour cette puissance.
Je propose un moyen très simple. Constituer la Suisse. Beconnaître sa constitution malgré l’éloignement et l’absence des trois cantons aristocratiques. Une déclaration dans ce sens au nom des alliés déterminerait Berne à demander grâce. Elle l’obtiendrait au grand avantage de ses propres intérêts et de ceux de la confédération. J’ose demander les ordres de v. m. i. à cet égard.
Il serait important de déterminer le ministère autrichien à donner des ordres conformes au chevalier de Lebzeltern et à M. de Schraut.
Ce dernier reste toujours à Berne. Je doute fort que ses instructions soient conformes à celles de mon collègue. Pourquoi ces deux ministres en Suisse? Pourquoi l’un à Berne, l’autre à Zurich?
La gazette de Berne contient des articles qui compromettent
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ouvertement le chevalier de Lebzeltern. Dans les Grisons on imprime des proclamations où il est insulté. Pourquoi tolérer cette audace, si l’on veut ramener les esprits?
Contingent
Presque tous les députés assemblés à Zurich m’ont témoigné le désir d’armer aux frais de la confédération cinq à six mille hommes. Une légère impulsion de notre part suffirait.
Cette mesure serait utile sous un double rapport. Elle donnerait plus de consistance et plus d’énergie à la diète actuelle.
Ce petit corps d’armée dont la composition rallierait les intérêts de l’intérieur pourrait agir utilement dans le cas de la continuation de la guerre.
Dans le cas contraire il pourrait passer à la solde et au service du roi de Sardaigne ou de toute autre puissance rétablie en Europe par la paix générale.
En partant de cette conviction j’aurais sans perte de temps secondé les désirs des députés. M. de Lebzeltern a préféré demander les ordres de sa cour. J’implore ceux de v. m. i.
Constitution des nouveaux cantons
Elle doit être mise en harmonie avec celle des anciens cantons. Sans cela des motifs ou des prétextes réciproques de méfiances, de jalousies et de troubles.
Les personnes les plus éclairées des cantons de Vaud et d’Argovie m’ont adressé leurs observations à cet égard. J’en ai demandé aussi au conseiller Monod. Il envoie les siennes à M. de La Harpe. La pièce ci-jointe en contient d’autres. Je prie v. m. i. de daigner accorder son attention à cet objet et me donner ses ordres.
Le comte Capodistrias
Premier contact avec Fellenberg
Par contre, il existe aussi à Berne un parti libéral, outré par l’attitude des patriciens et dont un membre n’hésite pas à s’adresser dans ces circonstances à Capodistrias. Il s’agit de Philipp Emanuel von Fellenberg, dont nous avons déjà eu l’occasion de parler à propos de Pictet de Rochemont. Dans les papiers conservés par la famille1 existe le brouillon, non daté, griffonné par Fellenberg puis recopié par une main étrangère plus lisible, d’une lettre qu’il adresse à Capodistrias fin janvier-début février probablement. Son contenu est trop important pour ne pas être transcrit in extenso:
1. BURGERBIBLIOTHEK, Berne, Dossier Fellenberg Philipp Emanuel. Brouillon (a) griffonné par Fellenberg, puis (b) recopié d’une autre main. Version choisie: (b) corroboré par (a).
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A Son Excellence Monsieur le Comte de Capo-d’Istria a Zurich
Monsieur le Comte!
Permettez que je prie Votre Excellence de nouveau de vouloir bien être attentif aux inquiétudes qui agitent les cantons de Berne, de Soleure et de Fribourg, et aux dangers qu’ils courroient avec toute la Suisse, si les intérêts des peuples de ces cantons étoient sacrifiés aux prétentions de quelques familles influentes dans leurs capitales.
La manière révolutionnaire dont les gouvernants actuels de ces trois cantons se sont arrogés tous les pouvoirs, les moyens répréhensibles [dans le brouillon: et indécents] qu’ils emploient pour maintenir leur usurpation, la passion avec laquelle ils persécutent les représentants du peuple qui font leur devoir, la manière illibérale et corruptrice dont ils se sont associés un certain nombre d’habitans des dits cantons dans leur gouvernement, ce qu’ils font pour supprimer non seulement la liberté de la presse, mais même celle de la pensée, la constitution politique qu’ils se proposent de nous donner, leur tendance démoralisatrice, en un mot l’esprit qui les anime et leur conduite les ont privé, et les privent de plus en plus de la confiance de leurs concitoyens les plus probes et les plus éclairés, et les couvrent de la haine du peuple. Celui-ci reste pour le moment sans mouvement apparent
1° en suite des efforts de nos hommes de bien qui tâchent d’éviter tout éclat dangereux.
2° par ce qu’il ne connoit pas encore bien tout ce qui s’est fait contre ses intérêts les plus importants, et
3° parce qu’on lui fait accroire que les hautes Puissances alliées soutiennent ses oppresseurs, et cette opinion doit nécessairement s’accréditer de plus en plus par ce qui arrive aux patriotes persécutés des cantons de Berne, de Soleure et de Fribourg: mais Votre Excellence peut être assurée que cet état des choses ne durera pas toujours, et que si l’on n’y remédie pas incessamment il sera pour nous une source intarissable de troubles, de désordres et de bouleversements nouveaux.
Ces Messieurs de Berne ont déjà déclaré, en envoyant des députés à Zurich, qu’ils ne faisoient cette démarche que par ce qu’ils y étoient forcés; il est bien entendu que leurs intrigues n’y perdront rien, s’ils gardent leurs moyens actuels, et que leur jeu recommencera aussitôt que la force qui leur en impose aura disparu.
J’ai écrit à Monsieur le Conseiller [brouillon: d’Etat] Usteri à Zurich quels moyens arrêteroient la démoralisation de notre nation, que Messieurs de Berne ont organisée, et nous délivreroient des maux funestes auxquels nous sommes en proie.
Je suis persuadé Monsieur le Comte, que si mes vœux ne sont pas exaucés, nous en serons bientôt au point de devoir fuir
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les cantons en question, pour recouvrer la patrie, à l’honneur et à la prospérité de laquelle j’ai dévoué ma vie et ma fortune.
Si je ne craignois pas Monsieur le Comte, de vous importuner inutilement en vous donnant plus de détails sur l’objet de cette lettre, je m’expliquerois mieux sur mes vues, qui sont parfaitement d’accord avec celles que m’exprima sur la Suisse l’Empereur Alexandre, quand j’eus l’honneur de rendre mes devoirs à Sa Majesté.
Veuillez agréer Monsieur le Comte le respectueux dévouement avec lequel j’ai l’honneur d’être
de Votre Excellence
[signé:] F.
On remarquera le ton dramatique de la missive et l’angoisse que donnent à Fellenberg les risques d’une guerre civile. Jugeant probablement que l’envoyé du tsar se montre trop conciliant pour les aristocrates, Fellenberg rappelle la rencontre avec Alexandre, qu’il est allé trouver à Bâle et a accompagné jusqu’à Montbéliard. C’est à Fellenberg qu’Alexandre aurait assuré qu’il voulait une Suisse autonome, indépendante, libre et heureuse.1 Capodistrias se devait de répondre au plus vite à une telle lettre. Il le fait en date du 23 janvier/4 février (Document n° 18), en termes très directs: «La Suisse sera constituée s’il le faut sans Berne Soleure et Fribourg, son sort ne sera point subordonné aux prétentions d’une minorité telle que le Patriciat de ces trois Cantons.» L’exaspération qu’a dû produire l’entrevue avec de Murait transparaît entre les lignes et ses sentiments, il ne craint pas de les exposer publiquement lorsqu’il écrit: «Je suis entré, Monsieur dans ces détails pour Vous mettre à même de les communiquer à ceux d’entre Vos compatriotes que Vous jugerés les plus en état de les apprécier d’envisager notre conduite, sans prévention, et d’agir sur l’esprit des autres avec succès.»
Quant au professeur Körtum, mentionné dans la lettre, il s’agit d’un des maîtres les plus célèbres d’Hofwyl.2 D’origine allemande, passionné par l’histoire de l’Espagne, il s’était enthousiasmé pour l’insurrection espagnole de 1808; il avait cherché à rejoindre les insurgés, avait été arrêté à Bostock comme espion par les Français, puis s’était évadé et réfugié en Suisse, à l’institut de Pestalozzi à Yverdon en 1811, d’où il passa l’année suivante chez Fellenberg. On comprend sans peine qu’il
1. Guggisberg, op. cit., t. II, p. 325.
2. Guggisberg, op. cit., t. II, p. 264-266.
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ait souhaité rejoindre comme volontaire les armées des Alliés. Muni de recommandations de Fellenberg pour Capodistrias, Wolkonsky et Barclay de Tolly, il accompagnera les armées jusqu’à Paris, avant de revenir à Hofwyl. Devenu professeur d’histoire à Berne en 1832, il sera considéré comme un dangereux révolutionnaire par les autorités suisses; il terminera sa carrière à l’université d’Heidelberg.
Premier projet de Pacte fédéral
A cette date du 4 février, Capodistrias a dû décider de mettre sa correspondance à jour, puisqu’il écrit une lettre assez anodine à sa famille1 et une autre, polie et quelque peu énigmatique, à David Hess (Document n° 19). Enfin, Lebzeltern adresse de son côté au landamman Reinhard la missive suivante:2
Ayant appris que le travail de la Commission relatif au Pacte fédéral est terminé et que Votre Excellence doit aujourd’hui le présenter à la délibération de la Diète, nous la prions Mr le Comte de Capo d’Istria et moi de vouloir bien nous en donner une communication confidentielle.
Cet ouvrage devant fixer les bases des relations futures de la Suisse, est trop important et pour cet Etat et pour les Puissances, pour que nous ne soyons pas appellés à y vouer un intérêt profond et direct. Nous désirerions même que cette communication précédât les ultérieures délibérations de l’Assemblée.
On voit donc que les ministres réclament de façon péremptoire le projet de ce pacte fédéral qui devait être discuté dès ce jour à la Diète.
Ce projet, élaboré depuis le 4 janvier au sein d’une commission de sept membres choisis par l’Assemblée fédérale, marque un retour très net dans la voie de la décentralisation par rapport à l’Acte de Médiation imposé par Napoléon en 1803. Il est fort bien résumé dans l’ouvrage de St. Lascaris:3 «Ce projet était plutôt un traité d’alliance en vingt-six articles qu’une véritable constitution. Il interdisait aux cantons de conclure des traités d’alliance séparés entre eux ou avec les puissances étrangères: seuls les traités économiques et les capitulations militaires
1. A.I.K., t. III, Corfou 1980, p. 229-230, no 82.
2. ARCHIVES FÉDÉRALES, 1983, f. 13-14. Correspondance des Ministres des Puissances alliées, période 1814-1818. Lettre publiée en partie dans Abschied 1813-1814, p. 67-68.
3. St. Lascaris, op. cit., p. 43.
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entre cantons et Etats étrangers étaient permis, à condition d’être soumis à la Diète. La Diète devait se réunir annuellement à Zurich, qui devenait le «Vorort» permanent de la Confédération. Elle était présidée par le bourgmestre en charge du canton de Zurich. Deux rédactions étaient proposées pour la manière de compter les voix à la Diète; d’après la première, chaque canton n’avait qu’une voix, tandis que, d’après la seconde, les cantons les plus populeux en avaient deux».
Deux jours plus tard, Lebzeltern et Capodistrias étaient en mesure de communiquer leurs «Observations sur le projet de constitution fédérale» (Document n° 20). Les ministres s’inquiètent des différends qui naîtront nécessairement lors de l’incorporation de cantons nouveaux comme Neuchâtel ou Genève, et plus encore lors de la répartition entre les anciens cantons de territoires attribués à la Suisse «par la munificence des Alliés»; ils proposent de remettre à plus tard la discussion de ces objets. Ils sont conscients du problème majeur de la Confédération en 1814 comme sous l’Ancien Régime: comment concilier les intérêts d’une majorité de cantons catholiques et d’une majorité de population protestante (les grandes villes ayant toutes adopté la Réforme). Si l’on donne un double vote à tous les cantons populeux, les cantons les plus anciens — les Waldstätten — se sentiront écrasés. Il faudra d’ailleurs attendre la constitution de 1848, qui s’inspire sur ce point du système bicaméral des Etats-Unis, pour que la question soit résolue de façon équitable. Enfin, c’est probablement pour tempérer les ressentiments bernois qu’ils proposent de limiter la prépondérance que ce projet accorde à Zurich.
Réaction de Monod
Extrêmement vive est la réaction du député vaudois Henri Monod qui sent sa patrie directement menacée par le passage suivant des Observations sur le projet de Constitution fédérale du 6 février «de proceder à des rectifications de limites en faveur des Cantons qui à l’époque de la révolution ont vu se détacher des portions de leur ancien territoire».1 Il écrit immédiatement le 9 février à Capodistrias la lettre suivante, dont le brouillon est conservé dans les archives de la famille:2
1. ARCHIVES FÉDÉRALES, 1983, f. 16v (notre Document no 20).
2. BCU, Fonds Monod, Kc2, p. 66-67.
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Monsieur le Comte
Voici encore une lettre, V. Ex. voudra bien l’excuser vû l’importance de l’objet pour nous.
Le fameux article de votre note sur la rectification des limites vient dêtre discuté en Diète, nous y avons representé qu’il remettoit en question ce qui avoit été décidé le 29 X. passé sur la garantie que se font les C(anto)ns, qu’il etoit en contradiction avec l’art. 1er du pacte fédéral actuel approuvé l’autre jour à l’unanimité qui garantit formellement à chaque C(anto)n son territoire, que ce principe paroissoit de plus avoir été reconnu à l’Exter(ieu)r. Nous avons ajouté que d’ailleurs ajourner la décision de cette question à une époque aussi indéterminée que la paix, c’estoit nous jetter pendant tout ce tems dans la défiance, dans l’inquiétude, nous exposer aux intrigues, nous empêcher de procéder à nos constitutions qui reposent plus ou moins sur l’étenduë du territoire, sur la population etc. Enfin que soumettre en définitive le jugement à des Parties intéressées, et donner 2 voix à celle qui devoit nous être contraire, c’etoit nous imposer une loi que la force seule des Puissances alliées pouvoit nous obliger de recevoir, mais que nous ne recevrions d’aucun autre, et que nous ne croyons point que ce fût là leur intention. Nous avons conclu en conséquence, ainsi que j’eus l’honneur, Mr le Cte, de vous en parler hier, ou que cet article sur la rectification des limites fut retranché du projet que nous présentoit la Commission, ou qu’on ajoutât à l’art, suivant — après la garantie de l’existence de N(otre) C(anto)n celle de l’intégrité du territoire.
Mr le L(andamma)n a parlé sur notre opinion comme ne croyant pas qu’on put rien retrancher ni ajouter, vû que la note venoit des Puissances Alliées. V. Ex. comprendra que je n’ai du rien dire là dessus, ni parler de l’explication qu’elle avoit eû la complaisance de me donner à ce sujet, et cela d’autant moins que Mr le L(andamma)n lui même a ouvert l’avis de renvoyer la discussion de l’article à demain afin que la Commission eût le tems de s’informer, si l’on pouvoit admettre quelqu’explic(atio)n.
C’est à quoi l’affaire en est, j’ai eû l’honneur de passer à votre Hôtel pour vous en informer, et vous prier de vouloir mettre Mr le Land(amman) à son aise sur ce point; n’ayant pas eû celui de vous rencontrer, je prens la liberté de vous écrire ce qui s’est passé à ce sujet
J’ai l’honneur etc.
Zurich le 9 fev. 1814
P.S. Je crois devoir avoir l’honr d’ajouter qu’il paroit d’autant plus à propos de laisser l’article en question de côté, que véritablement ce ne doit pas être un article constitut(ionnel).
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Si l’on se réfère au Registre des délibérations du Petit Conseil vaudois1 on lit à la date du 11 février: «Le C(itoye)n Monod informe, que sur cette note, il s’est rendu chez Mr de Capo d’Istria, lequel lui a parlé fort en détail des raisons qui les avaient engagés à faire cette note, raisons qu’il est difficile de donner par écrit; Mais que loin de trouver mauvais que le Canton fasse ses reserves, il l’a approuvé, en réitérant bien positivement que, quant à ce Canton, on n’a rien à craindre.» Enfin Capodistrias répond à Monod (Document n° 23), le 10 février probablement, missive non datée mais qui concerne sans doute possible cet incident.
Si le ton de la lettre de Monod reste très déférent, le député vaudois se montre dans ses Mémoires beaucoup plus critique pour le ministre du tsar. Déjà sur les événements de la fin janvier, il écrit:2
Alors Capo d’Istria, au lieu de se prononcer conformément aux intentions de son maître, et d’exécuter la menace qu’il disait avoir faite de ne pas reconnaître ces gouvernements, Capo d’Istria entra en négociations. Il prétendait que les voies de conciliation amèneraient un résultat plus stable et que, dans le cas où elles seraient inutiles, il serait toujours temps de forcer la réunion. En vain on lui prouvait que d’un mot il les obligeait à arriver; en vain on l’avisait des intrigues qu’on faisait jouer dans les petits cantons, qui finiraient par tout bouleverser; en vain on lui démontrait qu’alors il aurait beau vouloir, ce serait trop tard. Tout fut inutile; on ne put l’engager à changer son prétendu système de conciliation; il répondait par l’étalage des belles phrases qu’il écrivait dans ces cantons pour les convertir.
Plus loin, il rapporte avec une extrême véhémence la discussion à la Diète sur la note des ministres:3
Ainsi l’adoption du principe réclamé par Berne, et d’abord fortement repoussé par tous, d’une rectification de limites était proclamée; ainsi on remettait en problème l’intégrité des cantons d’Argovie et de Vaud arrêtée et solennellement promise; ainsi on renvoyait à un temps indéterminé la décision de cette question que sans doute il résoudrait contre eux. Si la parole de l’empereur de Russie était sacrée, si elle ne pouvait être suspectée, il faut
1. ACV, Régistre des délibérations du Petit Conseil pour les affaires de la Diète dès le 24 Mai 1813 au 10 Décembre 1814, no 5 J. 164, p. 140, séance du 11 février.
2. Monod, op. cit., t. I, p. 100-101.
3. ibidem, p. 106-107.
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avouer que son ministre, loin de travailler à la réaliser, avait l’air de faire tout ce qu’il fallait pour l’éluder. Aussi les députés de Vaud s’élevèrent-ils contre cette note avec un sentiment d’indignation qu’ils ne purent cacher.
Et il explique l’attitude de Capodistrias par une note acerbe:1
Il est difficile d’allier cette démarche de Capo d’Istria avec les ordres de son maître; il ne l’est pas moins de l’expliquer par cette idée de conciliation qu’il mettait toujours en avant, quand on le pressait de se prononcer comme l’avait fait et l’avait sans doute prescrit l’empereur. Ce qui paraît le plus probable c’est que, ainsi qu’on l’a dit, il était influencé par Lebzeltern et les anciens gouvernants; il en était entouré et paraissait se complaire avec eux; il était arrivé en Suisse vraisemblablement avec le préjugé qu’on avait répandu chez les Alliés que les partisans des changements survenus en Suisse étaient des jacobins et des bonapartistes, par là même des ennemis de la Coalition. Il pensait donc que les favoriser était aller contre les intérêts de l’empereur, qu’il envisageait peut-être, sinon comme un jacobin lui-même, ainsi que le prétendaient les Bernois, au moins comme n’ayant pas bien vu les choses. Reinhard d’ailleurs, quoique ne désirant pas qu’on rendît à Berne ses anciens pays, voulait bien qu’on lui en rendît une partie, dans l’espérance de partager; il convoitait un arrondissement comprenant tout ou partie du Comté de Baden, des Provinces libres et du Fricktal, qu’il trouvait à la bienséance de Zurich; en poussant le temps et laissant les affaires se brouiller, il comptait sur son habileté pour les débrouiller et les arranger de manière que Berne eût son ancienne Argovie et Zurich ces parties de ce canton. Il n’avait pas même renoncé à cette idée à Vienne, où elle nuisit essentiellement à la négociation dont il avait été chargé.
Il est équitable de mettre en parallèle les propos du colonel vaudois Ferdinand de Bovéréa, favorable aux Bernois, qui, commentant dans ses Mémoires les événements de janvier 1814, porte sur Capodistrias le jugement suivant:2
Ce Ministre possédant l’intime confiance de son maître, jouissait d’un grand crédit qu’il soutenait non moins par ses moyens et par ses vertus privées, que par la douceur de ses formes. Son esprit conciliateur échoua cependant dans sa louable tentative de réunir franchement Berne, Fribourg et Soleure au système fédéral, qui néanmoins a été généralement adopté depuis; elle lui suscita
1. ibidem, p. 108.
2. F. Rovéréa, op. cit., t. IV, p. 253-254.
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même d’ardents détracteurs parmi les patriciens exaltés, qui l’accusaient sourdement de vénalité, et hautement d’une prédilection outrée en faveur des libéraux, leurs antagonistes; imputation à laquelle il donna peut-être lieu par quelques fines allusions qui les blessèrent, ou par des paroles mal interprétées mais dont les événements le justifièrent bientôt, en attestant sa droiture et sa perspicacité.
Le 10 février, l’Assemblée des députés informe les ministres qu’elle a décidé de suspendre ses travaux:1
Ne pouvant, dans sa position actuelle, procéder plus outre, la Diète va envoyer ces mêmes propositions et les observations qu’elles ont fait naître aux Etats de la Suisse, en les invitant à départir à leurs députés les pouvoirs dont l’Assemblée actuelle se trouvait dépourvue, et qui seuls pourront rendre une nouvelle délibération plus féconde en résultats positifs. En conséquence les membres de la Diète vont se retirer momentanément auprès de leurs gouvernemens, afin de concourir à l’examen de ces matières importantes.
Après avoir exprimé ses regrets sur l’absence des cantons de Berne, Fribourg et Soleure, elle leur communique les lettres qui lui sont parvenues de ces gouvernements et demande «qu’il plaise aux Ministres de vouloir bien de leur côté contribuer à lever les obstacles qui s’opposeraient encore à la réunion complète de XIX cantons de la Suisse». Le passage suivant, concernant la note du 6 février, reflète bien officiellement l’intervention de Monod:
Ayant pris en sérieuse considération la note confidentielle qui lui a été présentée de la part de Monsieur le Chevalier de Lebzeltern et de Monsieur le Comte de Capodistria en date du 6 de ce mois, la Diète n’a pu se défendre d’un sentiment pénible en voyant que les par. 2 et 3 du premier article tendraient à ajourner jusques à la conclusion de la paix générale les difficultés territoriales qui pourraient exister entre quelques cantons. A l’époque de la paix, il importe que la Suisse se trouve sinon définitivement organisée, du moins dans une position satisfaisante de repos et de tranquillité; la rectification des limites dont on parle est d’une nature toute différente de celle du pacte fédéral; loin de souffrir quelque délai, elle devrait être accélérée autant que possible, car aussi longtemps qu’il reste quelque doute sur son objet et sur son étendue, il régnera nécessairement entre plusieurs cantons beaucoup d’inquiétudes et de défiances.
1. Abschied 1813-1814, p. 40.
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C’est par trois notes, datées du 2/14 février 1814, que les ministres allaient répondre au landamman (Documents nos 24, 25 et 26). Dans la première, ils l’informent de leur départ momentané pour le quartier général, tout en l’encourageant à persévérer dans la bonne voie. La seconde est une réponse à la lettre de l’Assemblée du 10 février et une marche à suivre assez impérative à l’égard des cantons dissidents. Ils proposent tout de même un terme de conciliation:
Après avoir formellement reconnu au nom des hautes Puissances Alliées l’Assemblée des XIX Cantons comme la seule vraie représentation de la Suisse à Leurs yeux, il est impossible aux soussignés d’admettre le retour de l’ancienne forme de représentation.
En demeurant fermement attachés à ce principe, les soussignés pensent, cependant que le Canton Directeur de Zürich pourrait inviter les XIII anciens Cantons à une conférence préliminaire et préalable à tenir avant la prochaine séance de la Diète. Le Canton de Berne y trouverait peut être les voies intermédiaires d’une conciliation et d’un arrangement définitif avec ses Co-Etats.
Cette proposition, qui devait fort inquiéter les Vaudois, était tempérée par la suite:
Si malgré ces moyens de conciliation Berne, Soleure, et Fribourg se refusaient à prendre part au travail de la Diète et à la réorganisation de la Suisse, ce seront ces trois Etats seulement qui répondront des suites dangereuses pour le bien être de la Confédération qui en pourront résulter.
La troisième note, en termes assez diffus, rappelle tout de même qu’
Il importe que dans cette époque majeure, et au moment de fixer définitivement les principes du nouveau pacte fédéral, la Suisse soit mise à même de connaître et d’apprecier les intentions des Souverains Alliés et le sort que Leurs Majestés Lui ont généreusement offert, ne lui demandant pour tout prix que son union, son bonheur et sa liberté.
C’est donc un jeu dangereux que de retarder cet accord.
Capodistrias au quartier général
Entre-temps, la situation militaire avait évolué. Les armées de la coalition avaient pénétré sur sol français. Napoléon à la tête de ses troupes quitta Paris le 25 janvier 1814 et tenta par une série de batailles d’empêcher la jonction des armées russo-prussiennes et autrichiennes. Après des
Σελ. 74
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- Κώστα Δαφνή, Προλογικό σημείωμα
- Γρηγόρη Δαφνή, Ο Καποδίστριας στην Ελβετία (1813-1814)
- Michelle Bouvier-Βron, Avertissement
- La Mission de Capodistrias en Suisse (1813-1814)
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- Τα 22 καντόνια της Ελβετίας του 1815
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- La Landsgemeide de Trogen du 1er avril 1814 / Η Εθνοσυνέλευση του Τρόγκεν, την 1η Απριλίου 1814
- La formation du territoire du Canton de Genève / Η εδαφική διαμόρφωση του Καντονιού Γενεύης
- Billet autographe de Capodistrias à Henri Monod, daté du 11 août 1814 (Document n° 71) / Αυτόγραφο σημείωμα του Καποδίστρια προς τον Henri Monod, με ημερομηνία 11 Αυγούστου 1814 (Έγγραφο αρ. 71)
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Ψηφιοποιημένα βιβλία
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Α΄, 1976
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Β΄, 1978
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Γ΄, 1980
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄, 1984
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Ε, 1984
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. ΣΤ΄, 1984
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Ζ΄, 1986
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Η΄, 1987
- Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Ι΄, 1983
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A Bâle, Des Arts et Saladin fréquenteront un peu les Bernois, avec lesquels ils partagent la crainte du «péril jacobin» que présente le Pays de Vaud pour ses voisins, mais plus encore les députations du Valais et des Grisons — Des Arts voit à deux reprises le comte de Salis ! — qui, elles aussi, cherchent à obtenir pour leurs patries le statut de républiques indépendantes alliées de la Confédération.
Pour sa part, Pictet de Rochemont avait rendu visite en cours de route à son ami le pédagogue et agronome bernois Philippe-Emmanuel de Feilenberg à Hofwil près de Berne, qui lui avait donné une lettre de recommandation pour le baron de Stein1 — et non pour Capodistrias qu’il ne devait pas encore connaître. Le 10 janvier, Pictet de Bochemont, qui profitera d’ailleurs de chaque occasion de rencontre avec les Busses haut placés pour parler de ses établissements d’élevage de moutons près d’Odessa — c’est un sujet que nous retrouverons dans plusieurs de ses lettres à Capodistrias dans les années suivantes —, Pictet a une première entrevue avec Stein, qui le charge de la rédaction d’un mémoire sur la question genevoise; Stein l’encourage à revendiquer hardiment les territoires qui pourraient permettre à Genève de former un canton digne de ce nom et accolé à la Suisse. En fait, les Alliés sont préoccupés, beaucoup plus que des intérêts de la République de Genève, de donner à la Confédération une frontière occidentale viable qu’elle pourrait défendre contre son puissant voisin.
Ce mémoire est remis deux jours plus tard à Stein, en même temps qu’un mémoire de Des Arts sur la même question, qui fait apparaître très clairement les divergences de vue de la députation. En fait, pour que la politique genevoise devienne cohérente, il faut attendre le Con-
1. ibidem, p. 81. Dans une lettre du 2 janvier 1814 à Pictet, Feilenberg écrit: «Le ministre de Stein est notre homme par excellence». Si l’on se réfère à l’ouvrage fondamental de Kurt Guggisberg, Philipp Emanuel von Fellenberg und sein Erziehungsstaat, 2 vol., Berne 1953, dont nous tirerons la plupart des renseignements sur Fellenberg (ici t. II, p. 324 et sv.), nous pouvons constater qu’à côté de ses activités pédagogiques, Fellenberg s’est préoccupé de questions politiques au cours de cette courte période de la Restauration. Il semble s’être rendu au Q.G. de Fribourg-en-Brisgau pour exposer aux Alliés la situation dramatique de la Suisse, et avoir obtenu des entrevues auprès de Metternich, Stein et Humboldt. Dans une lettre du 30 décembre 1813 au landamman Reinhard, il révèle qu’il est «au mieux» avec les ministres Humboldt et von Stein, d’où le conseil donné quelques jours plus tard à Pictet de s’adresser de préférence à Stein, qui malheureusement devait tomber en disgrâce peu après. L’entrevue avec Metternich paraît avoir été plus laborieuse. Ce même 30 décembre, Fellenberg aurait écrit une lettre à Capodistrias au sujet des décisions à prendre dans l’immédiat, lettre que malheureusement nous n’avons pas pu repérer.